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militaires et maritimes, durant une assez longue escale à Annapolis, siège de l’Ecole navale américaine, quelque chose, par conséquent, comme le Brest des États-Unis. Je me fusse mal résigné à les négliger, si la lettre d’un officier supérieur de l’Ecole, que j’ai sous les yeux et dont on va lire le passage essentiel, ne m’en faisait, dans une large mesure, un devoir. « Vous me demandez, monsieur, de vous autoriser à publier ce que je vous ai raconté naguère des sentimens de notre armée et de notre marine pour la France. Voici ma réponse. Vous rappelez-vous la courte promenade que, sur la fin de mars, par un soir déjà printanier, nous entreprîmes ensemble, sans but précis, aux abords de la ville ? Elle nous conduisit comme par la main vers une manière de promontoire, dressé au-dessus de la nappe endormie d’un des multiples bras de mer qui s’emmanchent dans l’estuaire de la Severn. L’endroit était désert, sans attrait, enveloppé de la mélancolie du crépuscule. Nous nous y acheminâmes cependant. Sur le sommet de la d’une herbeuse, un monument se profilait, évoquant l’image de quelque cippe funéraire. C’en était un. Nous eûmes de la peine à déchiffrer l’inscription, gravée dans un cartouche de bronze. Elle disait : « En tribut de gratitude aux vaillans soldats et marins de France enterrés en ce lieu, qui donnèrent leurs vies dans la lutte pour l’indépendance de l’Amérique. Puisse le souvenir de leurs exploits se perpétuer à tout jamais ! » Nous redescendîmes, étrangement émus. Eh bien ! monsieur, le jour où les vaillans soldats et marins d’Amérique auront, dans vos belles campagnes françaises, trois ou quatre monumens commémoratifs de ce genre, devant lesquels le flâneur s’inclinera, soudain troublé, ce jour-là, il sera temps de parler des sympathies de l’armée et de la marine américaines pour la France. En attendant, croyez-moi, il n’y a d’intéressant que ce que font pour elle nos femmes. »

Les femmes d’Amérique ! Il est certain que nous ne saurions leur décerner trop de louanges, même si on leur en a parfois asséné qu’elles étaient les premières à juger excessives. Elles ont, le plus souvent, rempli avec une conscience admirable la mission que le poète assigne à l’Eve de toutes les époques et de tous les pays :


C’est à toi qu’il convient d’ouïr les grandes plaintes
Que l’humanité triste exhale sourdement…