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ses paquets. Les clichés photographiques de nos aviateurs ne laissaient pas soupçonner la formidable organisation des tranchées de deuxième ligne qu’il occupait devant Bixschoote, à 500 mètres du canal. Nous ne nous étions heurtés encore qu’aux tranchées de sa première ligne, dont quelques-unes, neutralisées par l’inondation, n’avaient même plus d’occupans : leur tracé correspondait généralement à celui des tranchées françaises, mais nous avions sur elles, depuis la prise de la Maison du Passeur, l’avantage d’un front rectifié.

Encore fallait-il, avant d’aborder les tranchées ennemies, que nous pussions nous maintenir dans nos propres tranchées. À peu près inhabitables déjà, les pluies des derniers jours en avaient fait d’affreux cloaques : c’est « l’égout chez soi, » dit un officier. En certains endroits, qui formaient poche, l’eau montait jusqu’à la ceinture. Ni puisard, ni canaux d’écoulement : les boyaux d’accès, creusés trop près et trop perpendiculairement, s’enfonçaient tout de suite entre deux talus de glaise humide, qui semblaient se resserrer à mesure qu’ils s’élevaient et produisaient sur les hommes habitués au plein air du large cette curieuse sensation d’étouffement connue sous le nom de « mal des tranchées : » la tête leur tournait et ils titubaient comme pris d’ébriété.

Par les soins de l’amiral, les deux compagnies au cantonnement furent occupées à tresser des fascines pour l’amélioration des boyaux d’accès et des tranchées ; mais la glaise dévorait à mesure ces planchers mobiles et il fallait continuellement les renouveler. Tout le temps que dura notre séjour à Steenstraete, les compagnies au cantonnement n’eurent pas de besogne plus urgente, avec la réfection des passerelles et des routes et l’amélioration du réseau téléphonique, qui laissait fort à désirer jusque-là. En cas d’alerte cependant, et malgré toute la bonne volonté des hommes de liaison, comment amener à temps les réserves à travers cette zone savonneuse et justement qualifiée d’atroce par les communiqués ? Telle était la difficulté des communications que le ravitaillement en vivres des dix compagnies sur le front, commencé à six heures du soir, à Pypegaale, le 5 décembre, ne prit fin que le 6 à quatre heures du matin. « Notre service de vivres est tout à fait lamentable, écrivait le 8 l’enseigne Boissat-Mazerat. Nous touchons à peine un jour sur deux ; le reste du temps, Jean Gouin se serre la ceinture et