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éventualité. » Le capitaine de Malherbe s’adresse, pour sa part, à son « vieux camarade Ravel. » Il est à peu près 5 heures et demie du matin. Le plus simple est d’aller voir. « Ravel et moi, écrit-il, sortons de la tranchée et traversons nos fils de fer par les passages aménagés dans la nuit. Nous passons ensuite un petit ruisseau à peu près parallèle à la tranchée et nous avançons plus loin. Bien que la nuit soit encore complète, je puis me faire une vague idée du terrain, plat, formant un peu cuvette. Ravel et moi sommes du même avis : l’attaque est impossible de jour, sans que les fils de fer allemands aient été au préalable fortement bouleversés. Je le dis au commandant en revenant : il me répond qu’il y a ordre formel d’attaque, puis il s’en va vers la compagnie Benoit. Je ne devais plus le revoir. »

Le pis est que l’heure de l’attaque approchait et qu’aucune des dispositions prévues par le commandement ne semblait en voie d’exécution. La préparation d’artillerie s’était bien déclenchée à l’heure convenue, mais bien que 90 pièces, dit-on, y eussent pris part, ce n’avait été qu’un tir de 75, à shrapnells, et qui cessait au bout de dix minutes. Ni les mitrailleuses, ni les chasseurs cyclistes n’étaient au rendez-vous[1]. 6 h. 30, toujours rien. Au dernier moment, on se décide à remplacer la compagnie cycliste[2] par une compagnie de marins du bataillon Mauros, — la 10e, capitaine Deleuze. Mais est-il sage, dans ces conditions défectueuses, de commencer l’attaque ? Le commandant Geynet ne connaît que sa consigne. C’est un esprit exalté et magnifique : depuis des mois il attend, il presse de tous ses vœux l’occasion de s’élancer avec ses braves sur les défenses ennemies, de goûter à leur tête l’ivresse de la charge et du corps à corps. Plutôt que d’en référer à ses chefs ou de différer l’attaque, il se conforme strictement à la lettre des instructions qu’il a reçues la veille ; il fait donner lui-même, par des

  1. « À l’heure où elles [les Compagnies] devaient être en position, le déclenchement d’artillerie s’est opéré. Beau combat d’artillerie. De notre côté 90 pièces, paraît-il, tonnent, beaucoup moins du côté boche. » (Carnet du commandant B…) Suivant d’autres carnets, au contraire, ce déclenchement d’artillerie ne se serait pas opéré à l’heure réglementaire. « Nous attendons vainement la préparation d’artillerie prévue dans l’ordre d’attaque. » (Carnet du capitaine de M…) « L’artillerie, par défaut de téléphone, a tiré trop tard. » (Carnet du Dr T…) Enfin, dans son interview, le maître Donval dit : « L’attaque devait avoir lieu à 6 h. 45 sans préparation d’artillerie. » La vérité semble être que le tir se déclencha à l’heure dite, mais fut très court et exécuté avec des pièces trop faibles.
  2. Elle arriva seulement vers 8 heures.