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de l’ennemi des compagnies Barthal et Feillet chargées de couper l’ouvrage en s’emparant du boyau qui le reliait à Bixshoote. Une quatrième compagnie restait en réserve d’attaque au bord du canal avec l’enseigne » Goudot ; mais son chef provisoire, l’enseigne Lartigue, qui remplaçait le capitaine Pinguet, exempt de service, et qui possédait une connaissance approfondie du terrain, avait été joint à l’aile marchante de la compagnie Feillet avec mission de la guider et de retourner aussitôt près du commandant de Kerros pour lui rendre compte de la situation.

Tout de suite elle fut grave : à peine les compagnies déployées, « des centaines de fusées éclairantes convergent des tranchées allemandes, en même temps qu’une fusillade nourrie s’allume, » et le pis est que cette fusillade ne part pas seulement des tranchées de Steenstraete et de Bixschoote, mais de tout le boyau qui les relie et qui a été fortement organisé par l’ennemi. Lartigue, avec la section de droite de la compagnie Feillet, se lance « le long de la petite route pour occuper une maison isolée qui prendrait l’attaque de flanc à courte distance, si elle recelait une mitrailleuse. » Les balles, à cet endroit, sont tellement denses qu’on a l’impression physique de refouler un courant. La section parvient cependant jusqu’à la maison, qui est vide, mais battue d’un tel feu qu’il faut l’évacuer aussitôt et revenir vers le gros de la compagnie. La fausse attaque de Ravel avait eu du moins pour résultat de soulager un peu nos ailes qui étaient arrivées en quelques endroits jusqu’aux fils de fer ; la compagnie Feillet avait même fait quatre prisonniers dans un poste d’écoute, — « des Mecklembourgeois très proprement vêtus et non couverts de boue, » preuve que l’ennemi s’était tout nouvellement renforcé[1], — et, un moment, de nos lignes, on put croire que l’attaque avait réussi : sur le parapet de la tranchée allemande, des silhouettes de marins venaient de surgir qui semblaient faire signe aux nôtres. Par quel coup d’audace ces hommes étaient-ils entrés là ? On se le demandait. Et déjà les marins qui rampaient dans la direction de la Grande-Redoute commençaient à se lever et à crier : « Victoire ! » À ce moment, suivant certains témoignages[2], du groupe énigmatique partit une voix :

  1. Carnet du commandant B…
  2. Carnet du second-maître Ludovic Le Chevalier.