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presque officielle : les évêques ne manquent pas qui fréquentent les clubs ; presque tous, au moins au début, les patronnent ou les ménagent. Tenus à une moindre réserve, les vicaires épiscopaux, en maints endroits, président les séances des Amis de la Constitution. Ainsi en est-il à Autun, à Agen, à Tours. En mars 1792, Gobel, évêque métropolitain de Paris, est nommé vice-président du club des Jacobins. Cependant, le scrutin s’est ouvert pour l’Assemblée législative ; or, parmi les élus, on a compté vingt-six membres du clergé.

Mis en goût de se laïciser, tous ces assermentés dévient de plus en plus. Ils vivent dans une sorte d’atmosphère demi-civique, demi-religieuse. Ce ne sont que bénédictions de drapeaux, plantations d’arbres de la liberté, et aussi (car on se pique de demeurer pieux) translations de reliques, transportées des monastères dans les églises, avec accompagnement de clubistes et de musiques militaires. Les messes se succèdent, messes pour l’acceptation de la Constitution, pour les élections, pour l’inauguration des séances des conseils départementaux. Rites anciens, rites nouveaux, tout se mêle. C’est le temps où Lamourette publie ses sermons sous le titre de Prônes civiques ou le Pasteur patriote ; les sujets des homélies sont suggestifs : la Révolution envisagée dans les lumières de la Religion, l’Impôt, l’Égalité des hommes. Tout se monnaie en discours : l’Encyclopédie, l’Emile, le Contrat social, sans compter l’antiquité, la mythologie et aussi l’Evangile. Parmi les précurseurs, un seul, Voltaire, ne trouve pas grâce : Grégoire le déteste, Fauchet l’abomine, Lamourette, qui pourtant aime tout le monde, le réprouve, soit que vraiment le grand destructeur défie toute absolution, soit qu’on sente que cet homme, à la raillerie terrible, eût démoli le nouveau culte avec plus de verve encore que l’ancien.

C’est ainsi que les assermentés, à défaut des joies de l’apostolat, se rassasient de pompes civiques ou se gonflent d’éloquence. Avec une bonté obligeante, ils se plaisent à monnayer leur crédit. Si on consulte aujourd’hui les cartons des archives, on y trouve une foule de lettres où ils recommandent les petits employés, les gendarmes, les commis. Ils ont leur heure de popularité, sinon dans les masses, au moins dans la bourgeoisie : à Bordeaux, les armateurs donnent à l’un de leurs navires le nom de leur évêque, un vieillard inoffensif,