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départemens, le vote est encore précédé de la messe et du Veni Creator. Les opérations électorales commencent. Pour toute la France, dix-sept évêques et trente et un prêtres sont élus, soit comme députés titulaires, soit comme suppléans. Doit-on se réjouir ? Parmi les évêques nommés, beaucoup sont modérés ; parmi les prêtres, le suffrage populaire est allé chercher les plus pervertis d’opinion ou de mœurs, ceux en un mot qu’il faudrait cacher.

En cet automne de 1792, tous les corps administratifs doivent être remplacés. Donc une série de scrutins se succèdent pour renouveler les conseils des communes, des districts, des départemens. Pour les assermentés, le résultat est un autre sujet de trouble. Les anciennes assemblées locales étaient juste à leur niveau. Parmi ceux que le suffrage populaire vient d’élire, se trouvent des hommes inconnus de qui ils n’ont rien à attendre et aussi quelques hommes trop connus de qui ils ont tout à redouter. Ils sentent distendu partout, rompu même en bien des endroits, le lien qui, jusqu’ici, les a associés au pouvoir séculier. Constitution civile du clergé, constitution politique de 1791, étaient comme deux chartes jumelles ; il semble que, l’acte politique ayant été violemment abrogé, l’acte religieux soit du même coup devenu caduc. Les malheureux prêtres se consument en efforts pour se hausser au diapason nouveau. De leurs plaintes, tantôt naïves, tantôt amères, ils assiègent les directoires des départemens, les bureaux des ministres. Dans les cartons des Archives, combien ne retrouverait-on pas de ces doléances ! Tous vantent leurs sentimens civiques, étalent leurs sacrifices, dénoncent l’ingratitude où ils sont enveloppés. Tel est à Lyon, pour ne citer qu’un exemple entre un grand nombre, le curé de Saint-Just. Le pauvre prêtre, en une lettre au ministre de l’Intérieur, constate avec douleur le déclin de sa popularité, de celle de ses confrères. Et pourtant ! que n’a-t-il pas fait ? Il a équipé à ses frais deux volontaires : ceux-ci se sont trouvés à l’affaire du 10 août et s’y sont bien comportés. Il a planté en outre un arbre de la liberté sur la place des Minimes, et cet acte de piété patriotique lui a coûté deux cents francs. Non content de ces soins, il a suspendu au tronc de l’arbre sacré deux médaillons ; sur l’un il a gravé ces mots : Résistance à l’oppression ; sur l’autre il a écrit cet exergue : Le salut du peuple est la suprême loi. En dépit de tous