Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 37.djvu/615

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le procès-verbal, ils s’amusèrent fort et, après une, longue hilarité, passèrent à l’ordre du jour. Cependant les novateurs s’enhardissaient. Au printemps de 1792, un membre du clergé de Paris, loin de solliciter aucune tolérance, viola les anciennes règles avec ostentation. On l’appelait l’abbé Aubert et il était premier vicaire de Sainte-Marguerite. Il ne se dirigea pas, comme naguère l’abbé Cournand, vers la mairie, mais prit résolument le chemin de l’église. Il y trouva un prêtre-sacristain nommé Claude Bernard, non moins affranchi que lui-même des liens du fanatisme, et qui incontinent lui administra le sacrement. La cérémonie accomplie, l’abbé Aubert, aussi jaloux de bruit que d’autres auraient pu l’être de silence, se rendit à l’Assemblée législative ; il présenta aux députés non seulement son épouse, mais par surcroit quelques parens ou alliés et fut admis, en visiteur de choix, aux honneurs de la séance. Puis, avec un aplomb tranquille, il s’installa avec sa femme au presbytère, tout à côté de son curé, l’abbé Lemaire, que cette invasion plongea dans la stupeur ; car le pauvre prêtre avait rêvé une Eglise réformée, mais pas à ce point.

Il était impossible à l’épiscopat de prétexter l’ignorance. Gobel eût dû parler. Il se tut. En revanche, Fauchet, évêque du. Calvados, se rendit à l’église Sainte-Marguerite et, déclamateur suivant sa coutume, prêcha pour l’ancienne discipline avec autant de fougue que jadis il avait parlé pour les nouveautés. A Rouen, le sage Gratien, en une instruction pastorale, condamna le mariage des prêtres. Mais tous ceux que visait la défense s’emportèrent en une grande rébellion. A Fauchet, l’abbé Aubert répondit en lui reprochant, non sans quelque raison, ses mœurs. En Normandie, l’abbé Lerat, curé de Forges, osa dénonce au ministre de l’Intérieur le mandement de Gratien et, en deux lettres des 18 et 20 août 1792, il demanda « à l’autorité de réprimer d’une manière sévère les fanatiques boutades de cet incivique bigot. »

Pour les prélats constitutionnels, quel ne serait pas le mécompte s’ils rencontraient jusque parmi leurs collègues de violateurs de la discipline ecclésiastique !

Cet excès de déplaisir ne leur fut pas épargné. Le 24 novembre 1792, comme les députés étaient en séance, Manuel gravit la tribune et du ton d’un homme qui apporte une bonne nouvelle : « J’annonce, dit-il, à la Convention dont le