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propagande pour l’épargne, qu’un sourire montait aux lèvres des spectateurs, avec quelque scepticisme quant au succès de cette propagande ?…

Le thème de la nécessité de l’épargne n’avait, il est vrai, rien de bien plaisant pour le public anglais, encore qu’il y fût peut-être plus qu’ailleurs utile à démontrer. Il faut l’avouer, la vertu de l’économie n’est pas fort en honneur outre-Manche. L’Anglais, à la différence de son frère l’Ecossais, n’est pas par nature porté à l’épargne. A ses yeux, l’économie se distingue mal de la parcimonie ou de l’avarice. Dans toutes les classes, la dépense est mieux considérée que l’épargne. Chez les riches, épargner, c’est priver le pays d’un argent qui devrait circuler, c’est un péché d’égoïsme. Chez les ouvriers, c’est en plus une faute sociale, une atteinte portée aux libertés, aux revendications de classe. Dans la vie ménagère, on ignore l’économie, le gâchage est énorme. Dès avant la guerre, l’accroissement du luxe, dans toutes les classes, avait fait l’objet d’avertissemens inquiets de la part de certains économistes clairvoyans qui ne s’étaient pas fait faute de montrer que l’abus du luxe se traduisait par un progrès du paupérisme et un renchérissement général des denrées nécessaires[1]. Il faut d’ailleurs reconnaître que l’épargne ne cessait d’être découragée par les lois elles-mêmes, lois fiscales qui frappaient de taxes de plus en plus hautes les revenus « mis de côté, » lois sociales qui visaient à mettre à la charge du budget un nombre croissant de besoins des classes populaires, sans compter que l’exemple de la prodigalité était prodigalement donné par les pouvoirs publics dans la gestion des finances nationales.

Ce n’est donc pas dans des conditions bien favorables que se présentait la propagande pour l’économie. Discours, manifestes et manifestations, la gamme ordinaire de l’action politique officielle n’y suffisait pas. Avant de développer l’épargne dans la masse, il fallait faire l’éducation de l’opinion : c’est à quoi s’adonnèrent, avec un bel esprit d’initiative et un sentiment très vif du bien public, quelques hommes dévoués qui sous le nom de United Workers, et sous la présidence de M. C. J. Stewart, public trustee, furent le levain précieux qui fait lever la pâte. Propagande par l’exemple, par les relations,

  1. Voyez en particulier H. Withers, Poverly and waste, Londres 1914.