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prix des choses, — sans accroître d’une once la masse des biens utilisables. Ce qu’il faut, c’est que la Défense nationale soit continuellement pourvue de tous les produits et services qu’elle réclame, c’est-à-dire que d’abord la nation les fournisse, et de plus que la consommation nationale les laisse à sa disposition.

« Sans doute l’Angleterre, grâce à la liberté des mers, s’en procure une partie à l’étranger, à grands frais et à gros fret, avec cette conséquence que la balance économique lui devient défavorable, et que pour y parer, elle doit (comme nous le verrons) vendre ou engager ses capitaux extérieurs dans la mesure où ceux-ci peuvent être réalisés : le produit de l’épargne passée vient ici au secours de l’épargne présente. Mais cet appel aux richesses du dehors, si précieux soit-il, n’est qu’un appoint dans la somme des produits et services réclamés par la guerre ; pour le principal, c’est sur nous-mêmes et nous seuls qu’il faut compter, sur notre production actuelle, nos services actuels, notre revenu actuel.

« Traduisons en chiffres. L’État a besoin, cette année, tout compris, de 1 825 millions sterling de produits et services : c’est le chiffre du budget. L’étranger fournira là-dessus, par le jeu de nos engagemens ou ventes de valeurs, un appoint dont le montant est impossible à préciser, mais que d’aucuns évaluent à 300 ou 400 millions sterling. Il restera ainsi grosso modo 1 500 millions sterling de produits et services à trouver sur le sol britannique, soit environ la moitié du chiffre auquel on évalue actuellement notre revenu national. Avant la guerre, nous consommions au fur et à mesure les 5/6 de ce revenu national annuel ; il faut donc aujourd’hui, de toute nécessité, que nous réduisions notre consommation de façon qu’elle n’excède pas la moitié de notre revenu ; il faut nous restreindre, nous priver, tous et chacun, pour que le soldat au front n’ait pas, lui, à se priver, l’artilleur à ménager ses obus, le grenadier ses grenades.

« Ah ! si la nation pouvait « produire » davantage !… Mais n’est-ce pas déjà par un suprême et splendide effort que notre production nationale a pu se maintenir, que le pays a pu continuer à exporter, et que, grâce à l’énergie des ouvriers restés aux usines, au dévouement des femmes venues combler les vides, grâce à la mobilisation du travail conçu par Lloyd