Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 37.djvu/654

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que ceux qui n’avaient pas l’habitude de l’économie ne l’acquièrent que difficilement. Les hauts salaires actuels ne sont pour beaucoup que des tentations de dépenses. Il y a toutefois certains faits qui rendent compte de l’importance des résultats obtenus quant à la petite épargne. Du début de mars 1916 au 26 août il s’est constitué en Angleterre et dans le pays de Galles, sous l’égide de la National war saving association, 6 919 associations d’épargne de guerre, et il a été souscrit 29 millions de war saving s certificates d’une livre, sans parler des obligations de cinq livres délivrées par les bureaux de poste ; de mois en mois les souscriptions s’accroissent énormément : économies d’argent, qui sont aussi des économies de matières et de services. Les war savings certificates sont populaires. Dans tel bourg du Nord, le maître d’école, après avoir prêché l’épargné à ses 350 garçons, a vu 780 livres de certificates souscrits par eux en huit semaines. Un escadron de 150 hommes, au front, a souscrit en quelques jours pour 2 239 livres de certificates, après propagande directe du major. Lente à s’organiser, la campagne pour l’épargne, qui est d’ailleurs loin d’avoir épuisé son effort, a su faire une œuvre non pas encore décisive, mais profitable et pleine de promesses. Ce n’est pas de son échec, mais plutôt de son succès même, que témoigne l’action récente du gouvernement britannique qui vient de créer un contrôleur des vivres, avec de larges pouvoirs pour réglementer la production, la répartition, la vente, l’usage même des denrées alimentaires en Angleterre. En matière aussi complexe, et en des temps si difficiles, l’initiative privée ne peut pas tout, elle demande à être complétée, couronnée, et ses effets généralisés, par l’intervention finale de l’Etat ; cette intervention, les promoteurs du mouvement des économies en ont aplani les voies en éclairant le pays sur son devoir, en l’habituant à l’effort d’épargne. Une intervention analogue des pouvoirs publics s’organise chez nous, en France, où plus que partout ailleurs la restriction des consommations privées s’impose impérieusement à mesure que se prolonge la guerre ; on ne peut que regretter que, malgré les efforts modestes et louables de notre « ligue française des économies, » elle n’ait pas été, comme en Angleterre, préparée, appuyée, fortifiée, par une propagande énergique et préalable, par une éducation méthodique de l’opinion.