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Un jour à prendre « pour base principale la partie instrumentale » et que la partie du chant « y soit moins obligée que celle de l’alto. » Depuis, nous avons vu ce jour. D’autre part, il a l’intuition de certains effets d’orchestre. A propos de sa tragédie lyrique, Andromaque, il écrit : « C’est, je crois, la première fois qu’on a eu l’idée d’adopter les mêmes instrumens pour accompagner partout le récitatif d’un rôle qu’on veut distinguer. Lorsque Andromaque récite, elle est presque toujours accompagnée de trois flûtes traversières qui forment harmonie. » Voilà ce qui pourrait s’appeler un cas de leitmotiv instrumental. Et quant au leitmotiv mélodique, nul n’ignore avec quelle éloquence et quelle mesure à la fois en usa le musicien de Richard Cœur de Lion. Enfin, parlant de la vraisemblance ou de la vérité dans l’art, Grétry se demande encore, ou feint qu’on lui demande : « Les accompagnemens de tout un orchestre sont-ils aussi dans la nature ? — Non, aussi est-il caché à vos yeux ; et, en accompagnant, en soutenant, en fortifiant, quelquefois même en contrariant le chant de l’acteur, l’orchestre parle pour.la multitude qui prend part à l’événement ; — Et si l’acteur est seul dans une prison, dans une forêt, et ne doit pas être entendu, alors que fait l’orchestre ? — Il vous représente, vous, spectateurs, qui devez dire tout ce qu’il dit, si la musique est bien faite. » Ici, non plus sur tel ou tel effet particulier, mais sur le rôle ou la mission générale de l’orchestre, il semble bien que le maître d’autrefois ait d’avance exprimé certaines idées d’aujourd’hui.

Il n’est pas jusqu’à l’un des élémens premiers de la musique, celui qu’on entend par ce mot : l’idée, que Grétry n’essaie de définir à sa manière. « Une idée musicale n’est autre chose que le ton, les inflexions des paroles qu’on emploie pour communiquer une idée en vers ou en prose.

— « Mais, » lui réplique un interlocuteur supposé, « il y a de la musique sans paroles ; je l’aime quand elle est bonne et bien exécutée. Qu’est-ce que cette musique ? — C’est, lui dis-je, un discours de sons, le chant d’un discours dont on a retranché les paroles. » Et pour se faire mieux comprendre, Grétry s’avise d’une comparaison où se retrouve bien, avec la sensibilité, la poésie, on dirait presque la peinture de son temps : « N’avez-vous jamais vu une femme presque évanouie ? Il ne lui reste de forces que pour faire entendre l’accent des paroles qu’elle ne