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Tableau parlant, l’Ami de la maison, la Fausse Magie, la Rosière, Colinette à la cour, la Caravane et Panurge sont ceux qui me semblent avoir une certaine fraîcheur qui les distingue, Si les circonstances s’y prêtaient, je travaillerais pendant l’été sur un poème aimable, et l’hiver sur une pièce plus sérieuse et plus intriguée. Au reste, en tout temps, le bonheur dont l’artiste jouit influe infiniment sur ses productions. »

Ceci encore, à propos de la traduction musicale de certain personnage (il s’agit du flatteur) : « Il faut des modulations très adoucies. La musique est un baume, quand on veut pallier le mal ; rien ne flatte, ne caresse comme elle. » Et, pour terminer, citons ces deux observations, touchant le caractère ou véritablement, on peut le dire ici, la vertu générale de la musique : « La musique exprime faiblement les immoralités parce que harmonie, mélodie, sont un assemblage de choses pures. Je suis certain que le musicien le plus immoral conviendra n’avoir trouvé dans son art que bien peu de ressources pour peindre les vices de l’âme. Il semble que la musique n’existe que pour retracer les vertus. » Renan a dit autrefois cette parole : « L’intention de l’univers est généralement bienveillante. » Telle est aussi l’intention générale que Grétry prêtait à la musique. A son gré, l’art par excellence eût été celui « qui enseignerait à construire des chants heureux. « Formule incomplète, mais touchante, et qu’il n’est pas mauvais de rappeler. Dans le même temps et dans le même esprit, Mme Geoffrin, près de mourir, faisait à ses amis assemblés autour d’elle cette recommandation dernière : « Ajoutez le soin de procurer les plaisirs, chose dont on ne s’occupe pas assez. » Le conseil est bon pour tout le monde, y compris certains musiciens d’aujourd’hui.


CAMILLE BELLAIGUE.