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armées. S’ils voulaient effectuer des bombardemens efficaces dans ces régions, il faudrait, d’une part, que les zeppelins les survolent pendant un espace de temps suffisant pour reconnaître leurs objectifs précis ; d’autre part, qu’ils s’abaissent à une altitude assez faible pour avoir vraiment quelque chance de les atteindre. S’ils le font, ils tomberont presque inévitablement sous le feu des batteries contre objectifs aériens, dont le tir, de jour comme de nuit, grâce aux projecteurs, est aujourd’hui bien organisé, grâce à des méthodes télémétriques d’ailleurs classiques ; s’ils leur échappent, ce ne sera que pour tomber sous les fusées ou les bombes incendiaires des escadrilles d’avions dont le nombre et l’activité sur la ligne du feu ne leur laissera guère le loisir de procéder à leur opération.

Et c’est ainsi que les zeppelins sont obligés, s’ils ne veulent pas courir des risques trop grands, de renoncer à tout bombardement sérieux dans la zone même des combats et en sont réduits à franchir furtivement celle-ci à toute vitesse pour aller chercher loin en arrière des objectifs moins bien gardés, mais aussi sans intérêt militaire.

Ainsi sont nés les bombardemens criminels des villes ouvertes, si souvent exécutés par les dirigeables boches. Ils ont des causes évidentes : d’une part, l’impossibilité pour ceux-ci de bombarder efficacement des objectifs repérés et visés de l’altitude où ils doivent se tenir pour être à peu près hors de danger, fait que seuls des objectifs très étendus, comme sont les villes, ont quelque chance d’être atteints par ces bombardemens ; d’autre part et surtout, en dehors de cela qui procède d’une prudence bien ordonnée, les bombardemens aériens des villes ouvertes par les Boches procèdent de l’abominable et naïve théorie d’après laquelle la terreur semée chez les non-combattans est un moyen recommandé d’activer les opérations. Théorie absurde, car jamais dans l’histoire les atrocités n’ont amené les peuples libres à résipiscence, mais elles ont toujours exalté leur résistance à l’oppression. Il faut bénir d’ailleurs le défaut de psychologie des Allemands qui, comme leur ignorance historique, leur a masqué l’absurdité de cette doctrine. C’est grâce à elle surtout que le lion britannique s’est définitivement réveillé en grondant ; il n’est pas en effet un Anglais qui ignore que les raids de zeppelins, avec leurs assassinats de femmes et d’enfans, ont servi à dessiller les yeux des gens du peuple les plus indifférens et à les animer d’une sainte exaspération.

Et pourtant, si on fait le bilan des 41 raids allemands sur l’Angleterre, et dont certains furent l’œuvre de douze dirigeables à la fois,