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quel est-il ? Il représente en tout 1 500 victimes dont 500 tués. A peine ce qu’une seule mitrailleuse fait parfois en moins d’une heure dans certains combats. Piètre résultat de fait, pour un aussi grand appareil accompagné de tant de grandiloquentes menaces.

C’est que leur vulnérabilité au tir des batteries oblige les super-zeppelins de monter à une altitude où ils ne voient nullement, surtout la nuit, la région qu’ils survolent ; et nous avons bien des raisons de supposer que, s’ils traversent la mer du Nord à une altitude assez médiocre, ils doivent arriver à près de 4 000 mètres lorsqu’ils abordent les côtes anglaises. Nous avons vu récemment que, même à cette altitude, ils sont devenus plus dangereux pour leurs occupans que pour les gens qui sont au-dessous.

En revanche, il semble que ces grosses baleines de l’océan aérien puissent donner quelques résultats militairement réels dans le service d’exploration. Il ne paraît pas douteux qu’ils ont contribué à sauver la flotte allemande, lors de la bataille du Jutland, en lui annonçant longtemps à l’avance l’arrivée du gros de la Home fleet, que leur altitude leur permit d’apercevoir à plus de 100 kilomètres. En revanche, si l’escadre légère anglaise avait eu des éclaireurs aériens, elle aurait pu sans doute se faire secourir plus tôt par la flotte de Jellicoe. Mais, dans ce rôle d’éclaireurs de l’air, il est certain que des dirigeables bien plus petits, sinon même les avions, rendraient autant de services que les superzeppelins.

En somme, ces outres solennelles, gonflées d’outrecuidance germanique, ont, malgré l’ingéniosité technique de leur construction, failli complètement au dessein, avoué par leurs maîtres, de jouer un rôle militaire important. Félicitons-nous donc, — une fois n’est pas coutume, — de n’avoir pas suivi les Allemands dans cette voie inutilement coûteuse. Puisque, à leur encontre, toute notre activité aérienne a été exclusivement polarisée vers l’aviation, nous serions donc impardonnables de ne pas les survoler de tout l’essor d’une supériorité complète dans cette voie qui est la bonne. Mais il y faut travailler. Aide toi, le ciel t’aidera, même s’il ne s’agit que de ce petit ciel atmosphérique où volent les oiseaux de combat.


CHARLES NORDMANN.