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jours de tâtonnemens, le Roi finit par mettre debout un ministère Calogeropoulos. Nous refusons de le connaître. Il fait l’aimable, ne nous attendrit pas, se fatigue et s’en va. En désespoir de cause, le Roi recourt à son ancien professeur d’histoire, M. Lambros, que nous ne devions pas connaîtra davantage ; mais nous décidons de faire connaissance. Au fond, sous des pseudonymes variables, le Roi n’a jamais eu qu’un seul et même Cabinet, son Cabinet occulte, les gens de son secret et de sa confidence : les Streit, les Gounaris, les Dousmanis, les Metaxas.

Dans l’intervalle, les choses se sont compliquées. Le 25 septembre, M. Venizelos et l’amiral Coundouriotis, tout de suite rejoints par l’amiral Danglis, ont pris une grande résolution : ils ont gagné la Crète, et de là gagnent Salonique. Le 17 octobre, le Gouvernement provisoire, qui s’est constitué, qui a ses organes, un ministère, une administration, un embryon d’armée, demande à l’Entente sa reconnaissance officielle. Au lendemain d’une conférence à Boulogne, on étude la proposition, en termes du reste sympathiques. C’est à partir de ce moment qu’il nous faut avouer que nous ne comprenons plus. Jusqu’en octobre, on peut penser que la politique de l’Entente en Grèce a été trop mollement conduite, mais, pendant les neuf premiers mois de 1916, elle avait paru suivre une ligne, s’orienter vers une fin. Désormais, cette ligne même est brisée; le fil est coupé, et nous sommes au pays du Labyrinthe ! Peut-être un jour saura-t-on le mot de l’énigme. Toujours est-il qu’en novembre les visites, les conversations, les dîners, les salamalecs reprennent de plus belle. On nous flatte, on nous aveugle, on nous caresse, et on nous amène dans le piège. Les journées du 28 et du 30 novembre nous conduisent sans défiance et comme sans défense aux journées du 1er et du 2 décembre, dont nous nous interdisons de parler sinon pour dire que ce furent les journées sanglantes, les Vêpres athéniennes, et pour remarquer que depuis lors deux mois, deux grands mois, plus longs d’être restés vides, se sont lentement écoulés. Vides ; pas tout à fait : nous avons eu l’ultimatum du 9 janvier, et encore, le samedi 13, je crois, quelque autre pièce d’artifice diplomatique. Est-il nécessaire d’ajouter que le Roi des Grecs, nés subtils, ne s’est pas fait faute d’adhérer à la note du 31 décembre aussi complètement qu’aux vingt-trois précédentes ? La nouveauté serait que, cette fois, il s’exécutât. On nous assure qu’on voit passer des trains, avec des soldats aux portières, et qu’on les pointe sévèrement, et que presque toute l’artillerie de l’armée grecque est à présent dans le Péloponèse. Il se pourrait.