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savez pas où vous allez ; les Allemands occupent le pays depuis quinze jours et se sont fortifiés… » Propos de bonne femme ! pensons-nous… C’était la vérité même. Le débouché dans ces bois devait présenter aux troupes françaises une difficulté presque insurmontable. Nous dirons comment la forêt devint, contre leur offensive, la complice de la surprise allemande.

Un autre désavantage pour les armées françaises tenait à l’insuffisante liaison entre les armées opérant dans les Ardennes et la 5e armée, détachée beaucoup plus au Nord sur la Sambre et Charleroi. Le simple examen de la carte révèle cette situation. Entre Fumay et Namur, un vide, un décrochement existait qui ne pouvait que tenter une audacieuse manœuvre ennemie. Or, ce trou est assez mal gardé : la division Bouttegourd (51e division de réserve) a bien reçu pour mission de relever, à partir du 21 août, le 1er corps (5e armée) pour la défense de la Meuse dans la région de Givet-Namur ; le pont d’Hastières est bien tenu, même sur la rive droite, par une compagnie du 348e. La 52e division de réserve garde bien le secteur Givet-Monthermé. Mais ce sont là des forces tout à fait insuffisantes pour parer à une attaque en forces de l’ennemi, vers l’angle que fait la rencontre de la Meuse et de la Semoy.

Or, cette attaque, il la projette. Ce mouvement d’Est en Ouest que les avions et les renseignemens ont signalé comme entraînant la plupart des corps allemands que l’on a pu repérer, ce mouvement porte la masse de ces troupes allemandes vers Dinant, vers Givet, vers Hastières, vers Haybes, vers Fumay. Elles sont destinées évidemment à appuyer le grand mouvement de von Klück ; elles l’accompagnent, le soutiennent, s’efforçant de couper les communications de notre armée de la Sambre ; tandis qu’une partie de ces armées reste sur place pour voiler le mouvement, les autres se hâtent, se hâtent ; arriveront-elles à temps pour couper, par ses derrières, l’armée Lanrezac ? Ce doute, ce risque n’est pas de ceux qui doivent préoccuper le moins le haut commandement français.

Mais la « surprise » allemande se révélera à lui par un danger plus grave encore, s’il est possible, à savoir la puissance même des armées massées dans cette régi, on. La neutralité belge et luxembourgeoise ayant abrité cette ruse, l’état-major français n’a pu percer complètement le mystère derrière