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marché de nuit, s’étant glissé sous les bois, quand il débouche et surtout quand on le rencontre soigneusement installé, avec une artillerie ayant repéré le terrain autour de positions déterminées, quand on le trouve si nombreux et qu’il « grouille » de partout, on s’étonne. C’est la « surprise… » Admirables troupes que celles qui n’hésitèrent pas à foncer sur ces lisières mystérieuses, sur ces lignes meurtrières et qui, la baïonnette au canon, arrachèrent à l’ennemi un secret si terriblement gardé !


Caractère et portée stratégiques de la « Bataille des Ardennes. » — Nous avons exposé en débutant le plan allemand et le plan français.

Le commandement allemand a conçu le projet colossal d’envelopper et d’écraser l’armée française ; il prétendait en finir avec elle par étreinte en quelques semaines au plus.

Moins ambitieux, le commandement français, ayant renoncé à son projet d’attaque par Strasbourg et Mayence, a maintenant le dessein de foncer sur le flanc des armées allemandes en marche et, s’il peut rompre leur centre, de les pousser, d’une part sur la mer, d’autre part sur Trêves, de façon à s’ouvrir, de ce côté, les routes d’Allemagne par la Moselle.

Dans quelle mesure l’exécution de ces deux projets opposés a-t-elle été secondée ou entravée par la « Bataille des Ardennes ? »

L’armée française s’est portée sur les armées allemandes en marche, et, comme elle en avait le dessein, elle les a surprises. Surprise de son côté par le nombre de ses adversaires et leur puissante organisation, elle ne les a pas moins reconnus et fortement accrochés. Certainement, le commandement français ne savait pas exactement à quelles armées importantes il avait affaire. Par la longueur des objectifs qu’il assignait aux siennes, il semble bien qu’il croyait n’avoir qu’à crever un rideau plus ou moins épais et à tomber ensuite sur les armées du grand mouvement tournant, c’est-à-dire de von Klück et de von Bülow. Or, il se trouva en présence des trois armées du kronprinz, du duc de Wurtemberg et de von Hausen. Son offensive stratégique avec le projet de briser le centre de la grande armée d’évolution ne réussit pas. Au contraire, les forces françaises durent reculer et laisser à découvert la frontière, ce qui permit à l’ennemi de