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bons procédés et cette étroite communauté de vie se poursuivront, sans nuage, tant que subsistera le ménage de La Pouplinière. La rupture ne se produira que lorsque la séparation intervenue entre les deux époux aura privé Rameau de sa meilleure amie et de sa plus chaude avocate dans la maison du fermier général.

À cette phase, encore calme et douce, de l’histoire de notre héroïne se réfère une correspondance, dont je voudrais mettre quelques fragmens sous les yeux du lecteur[1]. Ce sont les lettres adressées à Mme de La Pouplinière par son frère aîné Charles-Louis, le chevalier d’Assay, élevé, comme je l’ai dit plus haut, aux frais et par les soins du fermier général et comblé par lui de bienfaits pendant toute sa jeunesse. Favori du ménage, Charles-Louis justifiait par son bon caractère et par ses heureuses qualités cette prédilection très marquée. Il semble avoir été un fort gentil garçon, de brave cœur et de belle humeur, simple, modeste et consciencieux, d’intelligence ouverte. Il aimait tendrement sa sœur, qui le lui rendait sans conteste, tout en étant à son égard un peu stricte et sévère, et tout en le traitant avec autorité, moins en cadette qu’en sœur aînée. La distance, il est vrai, était entre eux d’un an à peine ; le mariage, la fortune et la situation sociale avaient interverti les rangs.

Non contente de le gourmander pour la plus légère peccadille, elle le faisait parfois réprimander par sa mère et par son mari, ce qui désolait le jeune homme. « J’ai reçu votre lettre, ma chère sœur, gémit-il, avec l’addition qu’y a faite ma chère mère. Hélas ! mérité-je tous ces reproches ?… J’ai eu la fièvre, de la frayeur que j’ai eue de la colère de M, de La Pouplinière. Vous auriez pu adoucir cela. Bien loin de là, vous me faites quereller par ma chère maman. N’était-ce pas assez de vous ?… » La vieille Mimi Dancourt se montrait, elle aussi, tant soit peu sermonneuse. Mais, tandis que Thérèse, pratique et positive, s’en tenait volontiers aux manquemens d’ordre matériel, prêchait l’ordre et l’économie et insistait sur les questions d’argent, la mère, rigoriste et dévote, s’occupait particulièrement du salut de l’âme de son fils, s’inquiétait qu’il ne communiât sans être en parfait état de grâce et l’exhortait à

  1. Archives du comte de Villeneuve-Guibert.