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ne saurais pas même vous en faire le récit. Ce peuple, cependant si fin, si délicat, va se repaître toute la semaine les oreilles des lazzis de Polichinelle, et ne va au théâtre que le dimanche. »

Après cette dure exécution, il passe à l’Opéra : M. le cardinal (de Tencin) dit l’autre jour, à ce sujet, quelque chose de fort bon : c’est qu’il défiait que l’on fit d’autre péché que de s’ennuyer, aux opéras ‘d’Italie. Effectivement, pour deux ou trois ariettes qui vous plaisent, il faut s’ennuyer cinq heures d’horloge à une suite de récitatifs, d’une monotonie continuelle. M. l’abbé Franquini, se trouvant dernièrement auprès d’une dame qui paraissait charmée du récitatif et le vantait fort, lui dit : « Madame doit avoir bien du goût pour les sermons ? » Pour intermède, ce sont de misérables danseurs, qui dansent des paysannes en se donnant du talon dans le c…, ne pouvant mieux faire. »

On a souvent décrit le carnaval à Rome, et les coutumes anciennes se sont, sans grand changement, perpétuées jusqu’au temps présent. D’Assay ne manque pas, à son tour, de conter à sa sœur les folies consacrées par la tradition séculaire, et son récit contient certains détails piquans. Je le reproduis ci-après, en l’abrégeant un peu. « 12 février 1741. — Nous sommes présentement dans le fracas du carnaval qui est ici, je crois, plus curieux et plus tumultueux que dans aucun autre endroit du monde. Tumultueux en ce sens que, depuis le matin jusqu’au soir, on ne cesse d’être occupé. Le matin, on l’emploie à préparer les habits de masque pour aller au Cours (Corso) l’après-midi. L’après-dinée, la file des carrosses commence à vingt heures, qui font une heure et demie de notre monnaie. Ils vont le long de cette grande rue qu’on appelle aujourd’hui il Corso, et qui anciennement s’appelait Via Flaminia. Elle est ornée à droite et à gauche de superbes palais, dont toutes les fenêtres et tous les balcons sont remplis de beau monde… Les carrosses se partagent en deux files, l’une qui va et l’autre qui revient. On y voit d’assez beaux masques, mais cependant sans le goût qui règne dans les nôtres. Ils se servent beaucoup de gondoles à la vénitienne, extrêmement bien peintes, suspendues comme d’autres carrosses. Ces gondoles sont remplies pour la plupart de masques habillés en mariniers, avec beaucoup d’or et d’argent. Quand vingt-trois heures sonnent, qui font quatre heures et demie, le Barigello, ou capitaine des sbires, passe au