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ou simplement une lutte pour un nouvel équilibre de forces ? Si elle est simplement une lutte pour un nouvel équilibre, qui pourra garantir la stabilité du nouvel arrangement ? Seule, une Europe tranquille peut être une Europe stable. Il ne doit pas y avoir un équilibre de forces, mais une communauté de forces. Il ne doit pas y avoir des rivalités organisées, mais une paix organisée et commune.

Heureusement, ajoute le message, nous avons reçu des assurances très explicites sur ce point. Les hommes d’État des groupes de nations qui combat lent actuellement l’un contre l’autre nous ont dit, en termes qu’on ne peut pas interpréter à faux, qu’il ne rentrait aucunement dans leurs intentions d’écraser leurs adversaires. Mais tout le monde ne comprend peut-être pas avec une égale clarté ce qu’impliquent ces assurances. On ne les comprend peut-être pas d’une manière aussi claire sur les deux rives de l’Océan. Je crois rendre un service en essayant d’expliquer comment nous les comprenons.


Il faut donc éclairer les belligérans. M. Wilson n’hésite pas à le faire avec une pleine franchise en posant, — au risque de choquer les esprits de ceux qui n’ont pas la clé de sa pensée, — que la première condition d’une paix durable est d’être une paix sans victoire.

La doctrine de Kant va permettre de comprendre ce qu’il entend par là.

Le premier article préliminaire de la Paix perpétuelle pose le principe que la paix, pour être durable, doit être sincère. Cet article est ainsi conçu :


« Aucun traité de paix ne peut être considéré comme tel si l’on s’y réserve secrètement la matière d’une guerre future. »

En effet, ce ne serait là qu’une trêve, une suspension d’hostilités, et non la paix qui tonifie fin de toute hostilité. Ajouter le mot perpétuelle au mot paix est déjà un pléonasme suspect. (Paix perpétuelle, 1re sect., 1, p. 343.)


De même, il importe qu’aucune rancœur ne subsiste, la guerre terminée ; les belligérans éviteront donc les actes qui seraient de nature à détruire leur confiance mutuelle, car alors la guerre dégénérerait en guerre d’extermination, et la paix perpétuelle serait à jamais rendue impossible


Aucun État en guerre ne doit se permettre envers un autre des actes qui auraient pour conséquence nécessaire de rendre impossible une confiance mutuelle dans la paix future : par exemple, l’emploi d’assassins (percussores), d’empoisonneurs (venefici), la violation de la capitulation, l’organisation de la trahison (perduellio) dans l’Etat auquel on fait la guerre. »

Ce sont là des stratagèmes honteux. Car on doit encore garder quelque confiance dans les sentimens de l’ennemi au milieu de la guerre, sans