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rembourser leurs banques d’État pour restaurer le change, chacun devra lever, — les Anglais en donnent l’exemple, — des impôts copieux et divers sur les gens et les choses, puisqu’on ne saurait puiser à une source unique sans risquer de la tarir. Les douanes seront appelées à fournir un notable contingent.

Or, dans le déclassement industriel causé par la guerre, la force des choses a fermé bien des marchés aux belligérans et même aux neutres ; pertes totales ou partielles, plusieurs définitives. Des industries indigènes ont surgi un peu partout, encore en enfance. Elles voudront vivre et, pour vivre, être protégées ; elles le seront par des tarifs. Les barrières que, par réciprocité, la plupart des États se verront contraints d’élever contribueront à augmenter la hausse des prix, déjà influencés par les impôts intérieurs et par une abondante circulation fiduciaire.

Ainsi la hausse, générale sur le globe à des degrés et pour des motifs divers, sera durable sans doute. Elle constituera une baisse du pouvoir d’achat de 1’ « argent, » ou mieux de ce qu’on nommait naguère l’ « argent, » les métaux précieux, aujourd’hui l’ensemble des instrumens monétaires. Tous les prix, montant peu à peu, s’ajusteront aux conditions nouvelles ; marchandises, capitaux et services s’évalueront en un plus grand nombre de francs et de centimes. Seules demeureront immobiles les créances et valeurs à revenu fixe, ce qui atténuera, pour les débiteurs, le poids de leurs dettes.

Ce n’est jamais sans douleur que s’accomplit une évolution, surtout assez brusque, dans les prix. Pour réparer leurs « injustices, » on fait volontiers appel à l’État, et lui-même revendique la mission. Elle semblera lui incomber naturellement, lorsque son intervention prohibitive ou protectionniste se trouvera avoir favorisé certaines industries qui, à l’abri de la concurrence extérieure, menaceraient de tourner au monopole. L’État voudra départager producteurs et consommateurs, faire le bonheur des uns et des autres, édicter de « justes » prix, de « justes » bénéfices et de « justes » salaires.

Ce ne seront point là des nouveautés ; les anciens monarques de l’Europe n’ont pas fait autre chose depuis mille ans et, de nos jours, des républiques le font encore dans les deux hémisphères, témoin le parti démocrate qui gouverne présentement les États-Unis. Il n’y a de nouveau que le nom de « socialisme »