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prédiction haineuses d’un ennemi trop pressé de discerner en nous les symptômes de la déchéance intellectuelle et de la décrépitude morale. « Hier la poésie se paganisait en un sensualisme raffiné ou brutal… Voici le matin d’une poésie autre. »

Pour proclamer cette vérité avec toute l’autorité désirable, et pour la répandre avec une éloquente efficacité, l’Académie française a la bonne fortune de posséder, en la personne de son secrétaire perpétuel, un homme de tribune qui, en se retirant de la vie politique, n’a rien perdu de sa ferveur d’apostolat social. M. Etienne Lamy, qui fut député à vingt-cinq ans, et dont les brillans débuts ont laissé une trace durable dans l’histoire du gouvernement parlementaire et du parti libéral, est toujours prêt à couvrir d’un voile de modestie et de discrétion ses initiatives hardies et généreuses. Donateur d’une somme de cinq cent mille francs, qui est destinée à aider les familles nombreuses qui doivent être les réserves inépuisables de la nation, et les cadres naturels des vertus nécessaires à la France, M. Etienne Lamy a su élever à la dignité d’une véritable profession de foi l’ensemble de ses rapports annuels sur les concours littéraires.

Si l’Académie française a cru devoir maintenir, en temps de guerre, le principe de ses concours, si elle a continué d’encourager l’éloquence et la poésie que l’on avait sacrifiées, en d’autres endroits, à la philologie germanique ; si elle a distribué, comme par le passé, des prix dont médisent volontiers ceux qui les ont sollicités sans les obtenir, elle a pensé que, cette fois, elle devait surtout regarder du côté du front de bataille et choisir ses lauréats de prédilection, ses héros préférés parmi ceux qui sont au péril et à l’honneur. Elle a déposé pieusement sur des tombes récentes les palmes qu’en des temps plus doux elle décernait à des écrivains pleins de jeunesse et de vie. Le colonel Patrice Mahon, les capitaines Délanger, Drevet, Lapertot ont reçu ainsi la seule récompense dont puisse disposer une Compagnie aussi attentive aux talens qu’aux vertus : la consécration publique des œuvres qui leur survivent. Ces officiers de carrière avaient publié, sous des noms bientôt chers aux lettrés (Art Roë, Emile Nolly, Léo Byram, Fernand Dacre) leurs premiers livres, qui annonçaient une longue série d’œuvres remarquables, et où s’attestait, avec les plus riches dons du moraliste, du conteur, du poète et du peintre, le généreux désir de donner