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services. L’Institut a honoré la mémoire du capitaine Gabriel Leroux qui, blessé grièvement en France dès le début de la guerre, demanda un poste aux Dardanelles, et tomba « en Cher-sonèse de Thrace, au bord de l’Hellespont, en vue de la plaine de Troie[1]. » Son brillant camarade, le lieutenant Charles Avezou, blessé deux fois sur le front de Picardie, décoré de la croix de guerre avec deux palmes, combattit dans la presqu’île de Gallipoli, passa de là en Macédoine, mena une compagnie de zouaves contre les Bulgares, et fut frappé mortellement à Kastorino, dans la nuit du 16 au 17 novembre 1015, laissant le souvenir d’un cœur excellent, d’un esprit admirablement doué, d’une âme rayonnante, qui, pendant une vie trop brève et tragiquement, écourtée, exerça un puissant attrait de sympathie, avant de s’imposer à nos regrets par la beauté des plus nobles vertus françaises.

Parmi les « Athéniens » dont M. René Cagnat, aujourd’hui secrétaire perpétuel de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, entretint ses confrères dans la séance du 17 décembre 1915, il y a trois disparus : le sergent d’infanterie coloniale Johannès Paris, envoyé en Troade, au mois de mai 1915, avec les effectifs débarqués à Koum-Kaleh ; le lieutenant Adolphe Reinach qui, « par son érudition surprenante et son ardente curiosité avait déjà conquis une place honorable parmi les savans français, » et le soldat Gustave Blum qui avait passé brusquement de son cabinet de numismate à la tranchée… Ces deux derniers combattaient sur le front d’Occident. « Leur silence, dit l’auteur du Rapport sur les Écoles d’Athènes et de Rome, autorise toutes les craintes, sans interdire pourtant encore l’espérance. »

L’Ecole d’Athènes n’était pas encore au bout de ses épreuves. Cette riante maison si accueillante et si douce parmi les plus tranquilles, au milieu d’un jardin épanoui, aux pentes du Lycabette, a reçu le baptême du feu. Ses murs portent la trace des balles, qui dans la journée du 1er décembre 1916, lui furent envoyées en vives fusillades par les « épistrates » du roi Constantin. Elle a vu d’horribles massacreurs qui, sous les yeux de ce roi, dans les rues qui portent encore les noms des philhellènes français, Chateaubriand, Béranger, Firmin-Didot, Fabvier,

  1. Nos Deuils, par M. Gustave Fougères, directeur de l’École française d’Athènes. (Bulletin de correspondance hellénique, 1916.)