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II

Ces observations, que suffiraient à suggérer les lettres éparses de soldats qui ont été publiées, ou que nous avons pu lire, prennent une singulière consistance quand on vient de feuilleter trois volumes où l’on a récemment recueilli un certain nombre de lettres de prêtres combattans. Ces trois livres, dont on ne saurait trop conseiller la lecture aux professionnels, même parlementaires, de l’anticléricalisme, sont la meilleure réponse que l’on puisse opposer aux « rumeurs infâmes » que de mauvais Français, — agens, espérons-le, inconsciens de l’Allemagne, — ont fait circuler dans certains milieux populaires touchant la conduite de nos prêtres aux armées… Savent-ils, ces honnêtes gens, qu’à l’appel d’une Patrie qui s’était montrée pour eux si marâtre, les Jésuites français sont accourus sans hésiter, et que cent vingt d’entre eux sur six cents sont déjà morts à l’ennemi ? Quels services les morts et les vivans ont rendus à nos troupes, quels exemples de bravoure, d’abnégation, d’infatigable dévouement ils ont constamment donnés, si l’on veut s’en rendre compte, on n’a qu’à lire les volumes où le P. de Grandmaison a réuni quelques-unes de leurs lettres. Et si l’on joint à ce livre celui où M. Victor Bucaille a rassemblé d’autres lettres de prêtres, on aura une idée non pas complète assurément, mais assez précise, de l’œuvre du clergé français pendant la guerre. Il y a plus d’un an, l’évêque d’Orléans déclarait qu’il avait perdu 33 pour 100 de ses séminaristes, que, parmi ses prêtres, douze étaient tombés au champ d’honneur, neuf avaient été blessé ; - ! , dix avaient reçu la croix de guerre, un autre, la médaille militaire, un autre, la Légion d’honneur. Dans le diocèse de Lyon, 77 prêtres ou séminaristes étaient morts à l’ennemi. Et dans tous les diocèses de France il en est ainsi. A l’heure actuelle, 2 000 ecclésiastiques ont payé de leur vie leur droit de se dire Français. Quoi qu’aient insinué de funestes politiciens ou de méprisables journalistes, les vingt-cinq mille religieux ou prêtres qui sont mobilisés auront bien collaboré à la victoire française.

Quittons les généralités et voyons les textes. Il y a si peu d’analogies entre la fonction du soldat et celle du prêtre qu’on ne saurait guère s’étonner de certains scrupules et de certaines