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quand on lit les lettres de nos prêtres-soldats, — lesquelles, d’ailleurs, par humilité chrétienne, ne disent pas tout, — on voit, ou l’on devine plutôt avec quelle générosité, avec quelle efficacité aussi ils ont rempli leur mission spirituelle. Si, comme il est infiniment probable, les historiens impartiaux de l’avenir reconnaissent la supériorité morale de l’armée française sur l’armée allemande, ils devront, pour une assez large part, en rapporter l’honneur aux prêtres français. Sans vouloir le moins du monde méconnaître et diminuer les autres sources d’idéalisme national, on ne saurait nier que l’idée religieuse soit l’une des principales ; et la guerre aura eu pour résultat de mettre ce fait en pleine lumière. Que ne disait-on pas, à l’étranger surtout, de la scandaleuse incrédulité française ? Or, il s’est trouvé, à l’épreuve, que la France du front, c’est-à-dire toute la France, était beaucoup moins incroyante qu’elle ne le pensait elle-même. Ceux mêmes qui, soit relâchement, soit ignorance, soit préjugés, se croyaient irréligieux, à risquer leur existence tous les jours, et à voir les prêtres de près, sont revenus à une appréciation plus saine et plus juste des choses. La guerre aura fait tomber toutes les barrières qui, dans la vie de tous les jours, séparent le prêtre des autres hommes. Le prêtre qui n’est que prêtre, le prêtre tel qu’il était dans la primitive Eglise, voilà ce que l’honnête peuple de France a retrouvé avec un joyeux étonnement, et, ses hérédités chrétiennes lui remontant au cœur, à ce prêtre-là qui bénit, qui purifie et qui meurt, il a rendu sa confiance. Une vie religieuse simplifiée, mais ardente, virile, émouvante, s’établit parmi tous ces soldats que la mort guette ; des scènes qui semblent dater des premiers temps du christianisme se renouvellent tous les jours : messes en plein air, dans la forêt, ou dans ces catacombes d’aujourd’hui que sont les tranchées, bénédictions avant la bataille, missions pascales à des postes éloignés de chasseurs alpins : toutes les conditions qui peuvent le mieux rendre Dieu « sensible au cœur » sont réalisées par cette guerre ; comment s’étonner que nos prêtres n’aient qu’une voix pour se féliciter des résultats pratiques de leur apostolat ? « Oui, écrit l’un, si cette guerre fait mourir les corps, elle est une source de résurrection pour les âmes. »


Comme nos chers soldats sont beaux ! — écrit un autre. — Ces chers enfans s’en vont vers le bon Dieu comme au feu, après d’affectueuses