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I

A la fin de mois d’octobre dernier, la situation politique en Grèce semblait devoir entrer dans une phase décisive. M. Guillemin et sir Francis Elliot, ministres de France et de Grande-Bretagne à Athènes, avaient, tous les deux, acquis la conviction que le roi Constantin, malgré ses protestations réitérées au sujet de son intention d’observer une attitude de neutralité très bienveillante à l’égard de l’Entente, collaborait presque ouvertement avec les Puissances centrales. On s’attendait donc à ce que les Alliés prissent des mesures promptes et sévères vis-à-vis du gouvernement royal, et l’on assurait que la première de ces mesures serait la reconnaissance officielle du gouvernement de Salonique.

Mais, après mûre réflexion, ce parti sembla à l’Entente dangereux à prendre. N’allait-on pas peut-être risquer ainsi de paraître se prononcer dans cette question de politique intérieure et de rompre sans nécessité absolue avec un gouvernement, suspect certes, mais qui, après tout, se sentait obligé de respecter l’Entente ? C’est à ce moment que se produisit le voyage en Grèce d’un député français, M. Bénazet, qui se rendait à Salonique envoyé par une commission parlementaire, mais sans aucune mission d’aucun ordre du gouvernement. A son passage à Athènes, à l’aller et au retour, M. Bénazet profita des relations qu’il possédait de longue date dans la société athénienne approchant le souverain pour lui rendre visite, sur le désir formel exprimé par le roi Constantin. L’honorable député eut avec le souverain un certain nombre d’entrevues, où le roi de Grèce s’appliqua à le rassurer sur ses dispositions et ses intentions, allant jusqu’à prendre vis-à-vis de lui des engagemens par écrit qui paraissaient donner des garanties aux Alliés.

A mesure que les Alliés se relâchaient de leur sévérité, l’audace des intrigues ourdies contre eux dans les coulisses politiques d’Athènes augmentait d’autant. On fit circuler le bruit ridicule, mais destiné à encourager les germanophiles, selon lequel la Russie aurait soi-disant exigé de ses alliés, sous la menace de signer une paix séparée avec l’Allemagne, le maintien sur le trône du roi Constantin. L’État-major préparait, d’un autre côté, sur l’ordre du souverain,