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Pour que ce double but fût atteint, il fallait cependant endormir et induire en erreur sur les intentions gouvernementales aussi bien la diplomatie alliée et l’amiral français, que la population athénienne, qui dans sa grande majorité est francophile et vénizéliste.

Une tactique faite de duplicité et d’hypocrisie fut donc adoptée. Pour stimuler le zèle de leurs agens, les germanophiles d’Athènes faisaient courir le bruit que l’Entente n’avait d’autre but, en demandant le désarmement de la Grèce, que de détrôner le Roi, après lui avoir enlevé tout moyen de défense, et de lui substituer M. Venizelos. On convoquait en même temps les réservistes et l’on communiquait officiellement, que le but de cette convocation était de les militariser et de les enfermer dans les casernes pour les mettre hors d’état de troubler l’ordre. La presse aux gages de l’Allemagne annonçait d’autre part que quatre membres du Parquet seraient placés nuit et jour, à tour de rôle, à l’intérieur de deux brasseries très fréquentées de la capitale, où tout citoyen pourrait soi-disant se présenter et dénoncer l’agression ou la menace dont il aurait été l’objet de la part d’un réserviste. Alors que cet avis ne constituait qu’un piège de plus tendu aux venizélistes, qui, libérés de toute crainte, seraient dissuadés de prendre des mesures de précaution, M. Gounaris et ses amis tenaient conseil à l’hôtel des Touristes, où habite ce politicien, et rédigeaient les listes de proscriptions[1].

Quant à la ligne de conduite des milieux officiels vis-à-vis des diplomates de l’Entente et notamment de l’amiral Dartige du Fournet, entre les mains duquel avait été remise toute la négociation touchant la livraison des armes et des munitions, elle fut la suivante. L’initiative de la proposition relative à la livraison de ce matériel à l’Entente étant, — comme nous l’avons déjà dit plus haut en parlant des mobiles qui l’inspirèrent, — due au roi Constantin, c’est à lui qu’appartenait, selon l’accord intervenu, le soin de choisir les conditions dans lesquelles l’affaire serait réglée. Il demanda en conséquence à l’amiral que celui-ci fit semblant d’exercer une pression

  1. Ces détails furent aussi donnés par le collaborateur et ancien ministre de M. Venizelos, M. Repoulis, dans la conférence qu’il fit à Salonique, le 15/28 décembre, pour rendre compte de la mission d’enquête qui lui avait été confiée, et pour laquelle il s’était rendu au Pirée.