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III

Jusque-là, seule la première partie du programme, que le roi Constantin et son gouvernement s’étaient tracé, avait été réalisée : aucun officier ou soldat étranger ne foulait plus le sol d’Athènes. Les officiers français eux-mêmes, qui exerçaient le contrôle de la police, des postes et des télégraphes avaient été chassés brutalement de la capitale par des soldats portant baïonnette au canon. Restait à anéantir aussi le vénizélisme. C’était là une « petite opération intime » que le gouvernement royal devait, selon l’expression même que M. Lambros employa dans un entretien avec un diplomate, exécuter au plus vite, sans que les étrangers eussent à s’en mêler.

On commença à accomplir cette tâche dès le 1er décembre. En effet, vers quatre heures de l’après-midi de cette odieuse journée, les fusiliers marins grecs casernes dans la Chambre des députés provoquèrent un violent engagement avec les quatre ou cinq employés qui se trouvaient dans la maison d’en face où sont installés les bureaux du journal vénizéliste la Nea Hellas. Les assaillans employèrent jusqu’à des mitrailleuses. Et plusieurs soldats réussirent enfin à pénétrer dans l’immeuble, ayant à leur tête le substitut du procureur du roi Liviératos.

Vers huit heures du soir, les journaux vénizélistes Patris, Nea Hellas (dont on s’était borné dans l’après-midi à arrêter les quatre ou cinq employés), Presse Libre, Astir et Défense Nationale, qui tous paraissent le matin, recevaient un coup de téléphone du commandant de la place, leur ordonnant de suspendre leur publication. Une heure plus tard, des groupes de soldats, de marins et d’individus portant des armes de l’Etat, mais habillés en civils, se mirent à parcourir les rues d’Athènes en automobiles ou à pied et à terroriser la population en tirant des coups de feu. La ville donna pendant toute la nuit le spectacle de la plus complète anarchie. Le lendemain, 2 décembre, à la première heure, arrivait à Athènes le 35e régiment d’infanterie, qui tenait garnison à Corinthe ; on le transférait dans la capitale pour renforcer les forces militaires et pour contribuer au prompt et facile étouffement de la résistance éventuelle que les vénizélistes pourraient opposer au plan d’anéantissement prémédité par le gouvernement.