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Avec le jour, l’exécution de ce plan commença, implacable et méthodique. Des détachemens de l’armée régulière, commandés par des officiers des diverses armes, et des contingens de fusiliers marins ayant à leur tête des officiers de la marine royale, parcouraient la ville pour arrêter tous les notables vénizélistes, — hommes politiques, journalistes, commerçans, avocats, médecins, etc., et même ceux des hommes du peuple qui sont connus pour avoir pris toujours une part active aux manifestations en faveur des Puissances protectrices et de la lutte nationale. Les membres du parquet, les juges d’instruction et en général toutes les autorités de tous les degrés de la hiérarchie commirent tous les actes illégaux et tous les crimes possibles, depuis les emprisonnemens arbitraires jusqu’aux pillages et aux massacres. Et il faut de nouveau insister sur ce fait que la responsabilité de toutes ces persécutions aussi injustes qu’inhumaines n’incombe pas à des particuliers, à ceux qu’on appelle vaguement des « réservistes. » Le Roi et le gouvernement n’employèrent contre les élémens libéraux de la population que les divers agens de l’autorité, agens militaires (officiers, soldats, marins et gendarmes) et agens civils (juges, fonctionnaires, employés de la police, etc.). Des civils-réservistes ne participèrent pas à l’œuvre antivénizéliste pour la simple raison que des civils de ce genre n’existaient même pas. Tous, au nombre de 6 000, avaient été militarisés et enrégimentés dans la 2e et la 11e division. Ils étaient des soldats réguliers, dans la pleine acception du terme. Et comme tels, ils étaient couverts, au point de vue de la responsabilité, par l’Etat officiel.

Le prétexte formulé par ce dernier pour légitimer, si possible, les crimes que ses agens commirent est bien connu. Il prétendit que les élémens libéraux de la population étaient sur le point de tenter une révolte contre le régime, d’accord avec les Puissances protectrices de la Grèce. Les preuves ? Imitant l’exemple des Allemands qui ont essayé de justifier la violation de la neutralité belge après qu’ils l’eurent perpétrée, — cela à l’aide de documens que cette violation leur avait permis de dérober, et que du reste ils falsifièrent, — leurs dignes disciples d’Athènes voulurent légitimer leur acte après coup en inventant de toutes pièces un document qui n’a jamais existé et que « l’opération intime » du 2 décembre leur permit soi-disant de saisir. Ce faux document était une prétendue lettre de M. Venizelos au général