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coup sûr irréprochable, si nous ne savions ce que les Allemands entendent par « collaborer. » Dire que la race blanche a devant elle une tâche immense, — l’univers entier à coloniser, à civiliser, les climats à vaincre, les forêts vierges à défricher, les forces innombrables de la nature à capter et à diriger, — rien de mieux. Dire que pour ce labeur surhumain (donc véritablement humain) nous n’avons pas trop des forces réunies de tous les peuples européens, avec leurs génies divers, c’est irréfutable. Mais affirmer que parmi ces peuples blancs, deux seulement semblent qualifiés pour leur tâche, le peuple anglais et le peuple allemand, c’est déjà faire preuve d’un exclusivisme fâcheux. Et si l’on ajoute aussitôt que l’Angleterre ne sait pas coloniser, qu’elle exploite et vide de leur sang les pays qui lui sont soumis ; si l’on conclut que l’Allemagne seule pratique « la colonisation nationale, celle qu’on fait pour l’honneur[1], » on en arrive à retirer d’une main tout ce qu’on avait accordé de l’autre. On en vient, comme toujours, à chanter les louanges du travail allemand, supérieur à tout autre travail et qui ameute contre lui ses rivaux malheureux et jaloux. Si l’on hait les Allemands, d’après L.-D. Frost, c’est qu’ils sont les trouble-fête de l’Europe par leur acharnement au travail ; sans eux on vivrait une idylle perpétuelle, sans eux le négociant de Londres ou de Paris pourrait impunément se lever une heure plus tard et se coucher une heure plus tôt. « C’est le travail allemand qui est haï et redouté et que l’on accuse calomnieusement de n’être que servilité et platitude, absence de dignité humaine et d’amour-propre individuel ; c’est à lui seul qu’on fait la guerre. » Il triomphera pourtant, ce travail, dans la guerre comme dans la paix, où il avait réussi à créer de toutes pièces un nouveau Birmingham et un nouveau Lyon. Il triomphera, parce que « la tâche et la capacité finissent toujours par se rencontrer, comme la main rencontre l’épée. »


Si nous passons de Lucia-Dora Frost à Lily Braun ou à Leonore Niessen-Deiters, celles-ci féministes militantes, l’une

  1. Ibid., p. 1595.