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mais chevaleresque, la revanche, c’est une attitude que les Allemands peuvent comprendre. Les mères allemandes qui pleurent un fils tombé en terre de France sauront pardonner et compatir aux larmes des mères françaises dont les fils ont succombé, eux aussi, pour la défense d’un sol sacré. Contre la Russie même on peut être sans amertume : on connaissait le danger, on se méfiait ; on se méfiera davantage ; il sortira de cette guerre une résolution affermie, une dureté plus grande contre l’ennemi, mais ni mépris, ni rancune profonde. Que dire, en revanche, de l’Angleterre ? Elle a commis le crime sans exemple, elle a trahi le sang germanique et la race blanche ! Contre elle, on ne peut prêcher que la haine.

Et pourtant, L. Niessen-Deiters a du sang anglais dans les veines. Longtemps, fière de sa double origine, elle a aimé à se sentir issue des deux peuples frères qui représentent dans le monde la civilisation supérieure, la civilisation germanique, celle de l’Europe centrale. Douleur et honte ! Il lui faut à présent renier son ascendance anglo-saxonne. Non pas à cause de cette lutte fratricide où des Germains s’entre-déchirent : il y a des frères ennemis dans les meilleures familles ; mais « parce que la libre et fière Angleterre, en devenant le valet du meurtre et de la semi-barbarie, a renoncé volontairement à la plus noble tâche des peuples civilisés. » Désormais, la Grande-Bretagne est déshonorée, et « les femmes d’Angleterre, dorénavant, baisseront les yeux quand on parlera de culture germanique, de culture de l’Europe centrale. »

Il faut écouter un instant cette furieuse philippique : « Grande-Bretagne ! Quel que soit le sort fixé par les dés, tes femmes rougiront jusqu’en éternité en pensant à cette guerre. Tes femmes rougiront de honte quand elles songeront aux hommes anglais qui ont voulu cette guerre ! Tu as souillé ton épée sans tache, le jour où tu l’as tirée pour lutter côte à côte avec des Barbares parjures ! Tu as maculé ce drapeau qui avait passé toutes les mers, depuis que tu couvres de ton pavillon des assassins ! Jamais plus tu ne pourras, jamais plus tes femmes ne pourront prétendre à être comptées parmi les dirigeans d’une culture à qui toi-même fais la guerre ! C’est toi qui nous contrains à cette lutte à outrance, à cette lutte contre l’univers, que nous soutiendrons, pour vaincre ou pour mourir, tant que battra un cœur en terre germanique ! Quel que soit le verdict