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Lion à Louis IX, et les princes d’Orient ; Homfroy de Toron sert ainsi de truchement entre Richard et Malek et Adel, Baudouin d’Ibelin entre saint Louis captif et le Soudan d’Egypte. Et comme la science n’a pas de patrie, les Francs font appel, sur certains problèmes de médecine ou d’architecture, aux Arabes de Syrie, maîtres en ces sciences.

A plus forte raison, les comptoirs et bazars turcs restent-ils ouverts et les champs entre les mains de l’Arabe qui les cultivait. Nous avons, au sujet du régime établi, un témoignage peu récusable, puisqu’il vient d’un Musulman. Ibn Djobaïr écrit : « Entre Tebnin et Tyr, nous vîmes de nombreux villages habités par les Musulmans, qui vivent dans un grand bien-être sous les Francs… Les Musulmans sont maîtres de leurs habitations et s’administrent comme ils l’entendent. C’est la condition de tout le territoire occupé par les Francs sur le littoral de Syrie, c’est-à-dire de toutes les bourgades qui sont habitées par les Musulmans. La plupart ont le cœur abreuvé de la tentation (de venir s’y fixer) en voyant l’état de leurs frères dans les cantons gouvernés par les Musulmans, la situation de ceux-ci étant le contraire du bien-être. »

En fait, il est visible que, chez le Franc, le désir d’être aimé et l’esprit de justice, — issu de la chevalerie, — ont primé le fanatisme religieux. Il n’est point jusqu’aux Bédouins, qui, venant avec leurs immenses troupeaux de Mésopotamie en Syrie, n’y trouvent accueil et justice.


LES CLASSES DE LA « NATION SYRIENNE »

Aussi bien, ce qui frappe en tout ce régime, c’est que chaque classe a en quelque sorte sa charte et particulièrement sa justice. Certes, l’égalité n’existe pas entre elles : c’était une notion aussi étrangère aux gens du Moyen Age, — qu’ils fussent Latins, Germains, Slaves, Grecs ou Arabes, — que celle de la liberté, telle que nous la concevons. Mais on dira un jour lesquels d’eux ou de nous étaient dans la vérité. Chacun se contentait volontiers de cette charte, qui lui assurait, avec la liberté de la vie quotidienne, cette justice qui, à mon sens, est notion si supérieure à l’égalité des droits.

Dans l’organisation sociale de la Syrie franque comme dans son organisation politique, les problèmes imparfaitement