Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 38.djvu/378

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tout cela explique que notre produit ne circule sur le marché mondial que dans des circonstances exceptionnelles. »

Il avait été construit en Espagne un nombre de sucreries supérieur aux besoins nationaux qui, faute de pouvoir même lutter contre l’importation, traînaient une vie précaire. La guerre les a débarrassées de toute concurrence, a augmenté leur vente, et, comme leur machinerie était allemande, par conséquent impossible à obtenir en ce moment, les sucreries espagnoles, placées pour produire dans de meilleures conditions, se sont rouvertes, et les valeurs sucrières ont monté de 300 pour 100. Le plus curieux est que le sucre a légèrement baissé de prix en Espagne : le kilo s’y vendait en moyenne 1 peseta 20 durant les cinq années qui ont précédé la guerre ; il s’y vend maintenant 1 peseta 07 cent. Différence que suffit à expliquer la hausse du change espagnol, qui était au-dessous du pair en 1913, tandis que la peseta fait maintenant une prime de 20 pour 100 sur le franc.

Cette prime, qui renchérit pour nous les produits espagnols, contrarie par la même leur exportation, — d’ailleurs interdite pour le sucre, — et maintient dans la péninsule un bon marché relatif. Relatif, disons-nous, puisque, depuis 1913, le pain de froment et les pommes de terre ont haussé de 20 pour 100, la morue de 25 pour 100, les œufs de 30 pour 100, la viande de bœuf et de mouton de 17 pour 100 ; mais, comme les pois chiches, le lait, le riz, le vin, ont peu varié, que l’huile même a baissé de 12 pour 100, la nourriture pour la classe populaire n’a augmenté en moyenne que de 18 pour 100 dans les campagnes et de 15 pour 100 dans les villes capitales de provinces.

Tout autre a été le renchérissement des objets fabriqués et des matières premières ; beaucoup venaient de l’étranger, leurs sources se sont taries, la production indigène n’était pas capable de combler le déficit : l’Espagne, faute d’importation de Russie et de Suède, manque de bois ; ses massifs montagneux ne suffisent pas à l’alimenter ; les papetiers recommandent de les planter en épicéas, parce que la pâte à papier a haussé de 60 pour 100, ainsi d’ailleurs que les produits chimiques et le charbon. Le chanvre a fait défaut ; les lainages aussi : les draps communs, originaires, soit du pays, soit du midi de la France, ont enchéri de 200 pour 100.

Une cause contraire, — l’exportation intensive, — a eu le