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d’Ormont, et qui s’appelle l’Enfer. Le tir de démolition, dirigé par les batteries lourdes sur la gare de Saint-Dié, sur la manutention et sur le pont de la Meurthe, sembla s’écarter, un instant, de cet objectif, pour viser, en enfilade, les cantonnemens des alpins. À ce moment, un violent orage, un de ces orages d’été qui parfois couvrent de nuées, de trombes d’eau et de rafales traversées d’éclairs fulgurans les cimes et les vallées des Vosges, les bruyères sauvages et les feignes tourbeuses, vint ajouter son tonnerre aux détonations de la canonnade, au crépitement de la fusillade, et interrompit, vers la fin de cette terrible journée, l’offensive ennemie. Cette offensive, contenue au prix des plus héroïques efforts, par le 6e bataillon de chasseurs à Lamath, au Ban-de-Sapt par le 53e, à Ménil-sur-Belvitte par le 54e, autour de Fraize, et de Plainfaing par le 13e et le 22e, déjà prêts à escalader les pentes boisées de Mandray et du col des Journaux, fut menée par les chefs allemands, notamment par le trop fameux général Stenger, avec une incroyable férocité. C’est précisément dans l’après-midi du 26 août, vers quatre heures, que, par ordre du général Stenger, le premier lieutenant Stoy, commandant la 7e compagnie du 112e régiment d’infanterie de l’armée allemande, transmit à ses hommes l’ordre de la brigade : « A partir d’aujourd’hui, il ne sera plus fait de prisonniers. Tous les prisonniers seront abattus. Les blessés, armés ou non, seront abattus. Même les prisonniers en grande formation seront abattus. Il ne doit pas rester un ennemi vivant derrière nous. » Le même ordre fut transmis le même jour, par le capitaine Crutius, commandant la 3e compagnie du même régiment, et par le chef de bataillon Muller. On sait qu’à Thiaville et autour du village de Sainte-Barbe, incendié par les Bavarois, un grand nombre de blessés et de prisonniers français furent victimes de cette abominable consigne, dont l’exécution stricte et presque machinale ensanglanta, pendant les jours suivans, la ville et les faubourgs de Saint-Dié.

Les Allemands étaient exaspérés de voir que les soldats français, notamment les chasseurs alpins, défendaient les passages des Vosges et les issues de la ville de Saint-Dié avec une ténacité qui finalement a fait échouer leur mouvement stratégique et tactique vers la route d’Epinal et vers la trouée de Charmes. De là leur rage forcenée.

Dans la journée du jeudi, 27 août, les alpins du 51e bataillon