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Le général von Knœrzer se croyait bien sûr de la victoire. Son dessein, dicté par le kronprinz Rupprecht de Bavière, était de franchir la Meurthe, la Mortagne, la Moselle ensuite entre Bayon et Châtel par la trouée de Charmes. Il comptait sortir de Saint-Dié par la rue de la Bolle, le lieu-dit « les Tiges » et les bois de la côte Saint-Martin ; se diriger, par la vallée de Taintrux, vers Rougiville ; franchir le col du Haut-Jacques ; escalader la colline des Rouges-Eaux ; déboucher à Bruyères pour gagner Epinal. Il avait compté sans les chasseurs alpins, par lesquels il fut, pour ainsi dire, embouteillé dans sa conquête.


III. — L’EFFORT SUPREME

A sept heures du matin, le 28 août, au col du Haut-Jacques, 180 chasseurs du 51e bataillon se rassemblent, sous le commandement des lieutenans Sauzet et de Serbrun. En descendant le sentier abrupt de la Fouriotte, ils retrouvent à Rougiville une importante fraction de 600 chasseurs, réunis sous les ordres du commandant Dechamps et de quelques autres officiers. Le bataillon est reconstitué, dans toute la mesure du possible, et l’on marche en formation serrée sur Saint-Dié, pour exécuter une contre-attaque.

Les Allemands occupent le hameau des Tiges et le passage à niveau de la voie ferrée de Lunéville à Epinal. Il s’agit de les déloger de cette position d’où ils menacent la route de Bruyères. Toutes les explications étant données aux commandans de compagnie et aux chefs de section sur l’objectif assigné, les hommes mettent sac à terre, forment les faisceaux, prennent quelques momens de repos. Une distribution de pain est faite, — la première depuis le 25 août !

A deux heures de l’après-midi, les clairons sonnent la charge. Les chasseurs s’élancent pour une vigoureuse contre-attaque, en liaison avec les fantassins du 99e régiment. L’ennemi, surpris par ce mouvement inattendu, réagit par un bombardement intense. Malgré la violence de ce tir de barrage, le hameau des Tiges est enlevé d’assaut, à la baïonnette. Les Allemands s’enfuient en désordre, abandonnant leurs prisonniers et tout leur matériel. Etait-ce l’heure d’attaquer à fond les conquérans de Saint-Dié ? Une coordination de mouvemens eût-elle pu refouler très vite le général von Knœrzer et ses