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11/24 septembre, 11 heures du matin. — L’automobile est devant la porte. J’ai reçu tous les adieux. Je suis prête pour le départ… Quelques amis et quelques domestiques de la maison sont dans ma chambre, attentifs à s’assurer que rien ne me manque…

Nacha Madame !… Nacha Madame ! … (Notre Madame) répète la petite femme de chambre, Tina, avec de gros soupirs de regret.

— Allons ! il faut partir !…

Mais quelqu’un frappe, entre. C’est la vieille Irène, la laveuse de vaisselle : elle a craint qu’on n’oubliât d’accomplir avant mon départ la cérémonie russe de l’adieu… Sur un signe, chacun dépose les menus objets dont il s’était chargé déjà et l’on s’assied, les mains jointes. Irène fait la prière, puis chacun de nous se signe, se lève et salue les Images… Maintenant on peut partir.

Merci, bonne et vieille Irène, merci pour m’avoir traitée, moi Française, comme une des vôtres, comme une des filles de la sainte Russie…

Nous sortons en silence. Timofée, le domestique, ferme, derrière moi, la porte. J’entends le bruit de la clé dans la serrure… Quatre mois de ma vie, d’une vie douloureuse, mais ardente, sont enfermés là, à jamais !…

Marylie Markovitch.