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anastigmats qui, dans les microscopes, les appareils photographiques et tous les instrumens d’optique, se sont depuis répandus dans le monde par centaines de mille. Mais pour en arriver là il fallait remplacer le travail manuel par des procédés mécaniques à grand rendement, les tours de main par la perfection des outils, et, suivant l’expression de Zeiss, « rendre le succès indépendant de l’adresse personnelle des individus. » — Ce but, si différent de l’idéal individualiste de nos producteurs, Zeiss le réalisa, et c’est ainsi que les établissemens créés par lui à Iéna en étaient arrivés avant la guerre à occuper 1 500 ouvriers dont le cerveau collectif était constitué par une vingtaine de mathématiciens, physiciens et chimistes qui, pour leurs seuls travaux de laboratoire, dépensaient chaque année 200 000 marks. Il n’est guère douteux d’ailleurs, étant donné le développement pris par l’optique de guerre, que, malgré la fermeture de la plupart des débouchés étrangers, le personnel et l’activité des établissemens d’Iéna n’aient encore beaucoup augmenté depuis 1914.


Si j’ai insisté un peu sur l’œuvre de Zeiss, sur cet exemple caractéristique de la patiente habileté allemande à tirer parti des découvertes étrangères, c’est pour une raison de principe et pour une raison de fait.

La raison de principe, c’est que le meilleur moyen de nous défendre dans la paix comme dans la guerre contre un ennemi tenace est d’apprendre d’abord à le bien connaître et d’imiter ce qu’il a de bon. C’est par cette méthode seulement que Rome est venue à bout de Carthage, Pierre le Grand de Charles XII.

Il est ridicule, bien plus, il est criminel et néfaste à la patrie de vouloir systématiquement ignorer ce qu’a fait l’ennemi. L’un des plus curieux symptômes de ce singulier état d’esprit est la tendance qu’ont certains de ne plus vouloir faire enseigner la langue allemande à leurs enfans ; on a même proposé de la bannir du programme de nos écoles militaires, alors qu’il faudrait au contraire doubler son importance. Si les Allemands n’avaient pas voulu utiliser l’antisepsie sous prétexte qu’elle est d’origine française et anglaise, ils eussent perdu leurs millions de blessés ; s’ils avaient voué systématiquement au mépris la poudre pyroxylée et les explosifs brisans stables, découvertes françaises, il y a longtemps qu’ils seraient battus L’exemple de Zeiss montre au contraire quel profit, même dans la paix, ils ont toujours tiré de la connaissance exacte des méthodes et des découvertes de l’étranger. Il est donc de première importance