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d’étudier soigneusement ce qu’ont fait nos ennemis dans l’ordre des sciences appliquées, si nous voulons pouvoir lutter là avec eux ; une pareille étude doit être faite non dans un esprit de dénigrement qui aurait pour résultat de nous faire négliger des enseignemens importans, mais au contraire avec le désir de découvrir plutôt les choses à louer que les autres, plutôt ce qu’il faut imiter que ce qui est méprisable, plutôt le centre que le défaut de leur cuirasse. Le système de l’autruche qui se cache la tête derrière un arbre pour n’être pas vue, ce qui est bien, et pour ne point voir, ce qui est absurde, doit avoir fait son temps. Il a fait trop de mal à la France pour qu’on y puisse persévérer sans crime. Le sentiment de l’imperfection est la condition du progrès.

La raison de fait pour laquelle j’ai exposé l’exemple de Zeiss est qu’il me paraît infiniment plus caractéristique que tout autre des méthodes par lesquelles les Allemands étaient en passe de dominer économiquement, et surtout industriellement, la terre, lorsqu’ils ont fait la sottise criminelle de déchaîner cette guerre.

Que voyons-nous à la base de l’œuvre industrielle accomplie à Iéna comme aussi de la plupart des grandes industries allemandes, des industries chimiques, métallurgiques, électriques, mécaniques en particulier ? Des recherches de science pure suivies et accompagnées de recherches pratiques de laboratoire. Ces travaux de théorie et d’expérimentation scientifique ne sont pas seulement à l’origine de l’industrie ; elles continuent à côté de celle-ci et se développent parallèlement de manière non seulement à en contrôler sans cesse les résultats, mais à les améliorer par des perfectionnemens incessans.

En un mot, la caractéristique primordiale de tout cela est une collaboration complète, une imbrication, une véritable anastomose de la Science et de l’Industrie.

L’industriel ne se contente pas d’utiliser invariablement de vieux tours de main qui se passent de père en fils, et qui sont fondés assurément sur une expérience respectable. Il ne se contente même pas d’appliquer tel progrès scientifique réalisé bien loin de là, au fond d’un laboratoire par un pauvre savant perdu dans ses rêves. Non ; ce savant, il va le chercher, non pour le distraire un moment de ses recherches et le consulter à la dérobée, comme font parfois, aux médecins rencontrés dans un salon mondain, les personnes économes ; il va le chercher pour l’ai tacher tout entier à son œuvre, il lui pose les problèmes pratiques à résoudre, il l’intéresse moralement et matériellement à leur solution. Une fois le problème résolu, il ne renvoie