Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 38.djvu/712

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui devait être plus difficile, c’était de les faire à un prix de revient tel que les installations créées fussent viables et ne fussent pas immédiatement réduites à néant après la guerre par la construction étrangère intensive et à bas prix.

Eh bien ! ce double problème, nos industriels ont su le résoudre, et à leur tête l’habile M. Berlemont, président du syndicat des souffleurs de verre et dont j’eus naguère l’honneur d’être l’élève dans cet art délicat. Grâce à ses efforts, la fabrication des thermomètres médicaux, dont nous fûmes un temps démuni au début de la guerre, est aujourd’hui assurée chez nous dans des conditions qui rendent inoffensive pour l’avenir la concurrence ennemie. Chose curieuse, ce résultat a surtout pu être obtenu grâce à l’emploi de la main-d’œuvre féminine, particulièrement apte au travail très minutieux des minces tubes capillaires nécessaires dans ces instrumens. D’autres résultats non moins beaux ont été obtenus dans le même domaine, et dont il serait trop long de parler ici.

Ce que nous avons pu faire dans la verrerie et improviser au milieu des difficultés de toutes sortes que crée la guerre, et sous l’aiguillon même de ces difficultés, il n’y a pas de raison pour que nous ne le réalisions pas demain, sinon aujourd’hui même, dans tous les domaines industriels. Notre France a assez de ressources d’intelligence et d’initiatives privées pour cela.

Mais pour atteindre ce résultat, qui serait la pire punition que nous puissions infliger aux Allemands, il ne faudra pas trop oublier quelques-uns des enseignemens de fait que j’ai essayé de dégager dans ces pages. Il faudra surtout que nous tâchions de renoncer dans l’Industrie, dans les applications de la Science, ù notre déplorable individualisme, à notre manie, comme on dit vulgairement, de nous tirer réciproquement dans les jambes.

Comme le disait le physicien Cornu qui fut un des rois de l’optique française : « Une solidarité intelligente fait converger les efforts vers un but commun, au lieu de les user dans ces luttes stériles que l’âpreté des intérêts immédiats provoque chez les esprits imprévoyans. » Cette sentence n’est peut-être pas d’une forme très élégante, mais elle est bien pensée, et par un Français qui aimait et connaissait ses compatriotes.


CHARLES NORDMANN.