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définition, il y en a un qui est déjà périmé, et c’est celui qu’on aurait cru, que quelques-uns croyaient inébranlable. La Révolution a tout à coup traversé le chemin, et, suivant sa pente, marché beaucoup plus vite que l’évolution. Nous n’entreprendrons point d’en faire le récit, qui serait nécessairement par trop incertain et par trop incomplet. Celui que les journaux en ont donné, comme ils l’ont pu, est plein d’obscurités et de lacunes, non pas même sur les causes, ce qui se conçoit, parce que c’est affaire d’opinion et matière livrée aux disputes des hommes, mais sur les faits eux-mêmes et sur leur enchaînement. « Un si grand intervalle, et que les circonstances font si difficile à combler, écrivions-nous encore, tire un voile et met du noir entre la Russie et nous. » Ce qui s’est passé depuis lors ne pouvait qu’épaissir les ténèbres. Commentant le rescrit du Tsar au prince Nicolas Galitzine, qui venait de prendre la présidence du Conseil, nous estimions possible d’en conclure, « si nous en avions le texte exact,  » — ce « si » marquait clairement un doute, — que toutes les forces de la Russie devaient être, et allaient être, tendues et comme bandées vers la victoire. « Telle est la volonté commune de l’Empereur, du Conseil de l’Empire et de la Douma ; là et ainsi se frappent et s’allient, sous le terrible marteau de la guerre, l’autocratie et la démocratie ; et qu’elles cherchent d’un commun accord leur fusion dans la victoire, en en voulant les conditions, c’est l’essentiel. » Mais, si la volonté était commune, elle n’était sans doute pas égale, et par suite le commun accord ne pouvait être que fragile : le marteau de la guerre a rebondi et écrasé ce qui lui résistait.

Il semble que la révolution ait eu, à son début, trois ou quatre facteurs ou agens principaux : la Douma, l’union des zemstvos (qui sont des assemblées locales, correspondant tant bien que mal à nos conseil s généraux ou d’arrondissement) et des municipalités, les associations ouvrières, l’armée enfin, ou du moins certains élémens militaires. Ce début, on peut le faire remonter à la séance de la Douma qui contraignit Nicolas II à renvoyer M. Sturmer. Les choses ne firent que s’aigrir durant le court, ministère de M. Trépoff, et par la prorogation des séances de l’assemblée, qui refusa de se séparer, sous le dernier président du Conseil, le prince Galitzine. Le maintien de M. Protopopoff au ministère de l’Intérieur, l’accroissement de faveur que la Cour lui marquait, d’autres choix encore ou d’autres rappels, furent regardés comme un défi. Entre les zemstvos et les municipalités, d’une part, et, de l’autre, le gouvernement ou l’administration, — disons : la bureaucratie, car la bureaucratie détenait à la fois