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digne et capable. « Je suis vraiment la mère de toutes les douleurs, ajoute-t-elle, et la seule consolation qui me soit donnée, c’est de savoir que le Très Saint-Père oublie le passé pour ne se souvenir que de l’affection qu’il témoigne à tous les miens. »

Fesch, ne se liant sans doute pas à Consalvi, écrivit à lord Bathurst « une lettre entortillée pour demander l’envoi à Sainte-Hélène d’un prêtre consolateur. » Après avoir énuméré les qualités que devait réunir un personnage de cette espèce, il concluait « que ne pas lui abandonner (à lui seul) le choix de cet ecclésiastique équivaudrait à un refus formel d’accorder une grâce que sollicitaient également la religion et l’humanité. » M. le marquis d’Osmond, ambassadeur de France, auquel lord Bathurst communiqua cette lettre, observa : « Sans violer l’une ou l’autre, je crois qu’on trouvera prudent de ne pas envoyer à Sainte-Hélène un émissaire de la Famille, fraîchement informé de ses complots en Europe et en Amérique. » Et il se lança en des considérations sur ces complots, et sur la nécessité d’une surveillance redoublée.

Les ministres anglais qui connaissaient la demande de longue date, puisque la lettre de Bertrand avait été expédiée ouverte par la voie régulière, ne suivirent point M. de Blacas et M. d’Osmond dans des tracasseries qu’ils avaient imaginées. Le 10 août, lord Bathurst informa sir Hudson Lowe des résolutions qu’il avait arrêtées : « Le cardinal Fesch, écrivit-il, a représenté au Pape le désir du général d’avoir un prêtre résidant à Longwood en qui il puisse se confier, le général ayant déclaré qu’il lui est impossible de remplir les devoirs imposés par la religion qu’il professe et qu’il se trouve privé des consolations essentielles que, d’après les principes de sa foi, on tire de la participation aux sacremens. » Le Prince régent a donc consenti que le cardinal Fesch choisît ce prêtre et que ce prêtre résidât à Longwood moyennant les restrictions habituelles. »

Lord Bathurst alla plus loin : sans doute avait-il jugé en conscience que, ayant écarté O’Meara, il ne pouvait laisser l’Empereur sans un médecin qui lui agréât et avait-il pensé, malgré les assurances qui lui avaient été données de la santé de l’Empereur, qu’il ne pouvait en prendre la responsabilité. En tout cas, « d’après le désir qu’a témoigné le général Buonaparte, » il consent qu’avec le prêtre, on lui envoie un médecin français d’une réputation faite et un cuisinier en qui il puisse