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moins bien certain, c’est que, de tous les Anglais qui nous ont parlé français, il n’en est pas un qui ne le parle beaucoup mieux que celui de ces trois individus qui le sait le plus[1]. » Montholon ne pouvait garder le moindre espoir que ces gens lui ouvrissent la porte de sortie. Aussi, dès leur arrivée, le 26 septembre, écrivit-il à sa femme pour la supplier de trouver quelqu’un pour le remplacer. Il lui mande le 31 octobre : « Si tu n’as pas encore envoyé quelqu’un… ne perds pas un moment. Peu importe qui, pourvu que ce soit un de ses anciens officiers, généraux ou amis. Je crois qu’il te sera facile d’en trouver, tant de ces malheureux compagnons de sa gloire sont errans aujourd’hui qu’il me parait difficile qu’il ne s’en trouve pas un grand nombre heureux de venir chercher ici un repos honorable pendant quelques années. » C’étaient là les impressions d’un homme éloigné d’Europe depuis quatre ans, qui ne se rendait pas compte que le favori de Louis XVIII, après s’être fait, sans conquérir les ultra, l’instigateur de la Terreur blanche, avait changé brusquement de tactique, appelé autour de lui la plupart des anciens serviteurs de l’Empire : les proscrits d’hier étaient les ministres d’à présent ; M. Decazes avait eu accès, comme secrétaire des commandemens de Madame, dans la plupart de ces salons d’attente princiers que Napoléon appelait des antichambres ; il y avait connu quelques chambellans, des préfets, des généraux, divers sénateurs, et même des ministres et des grands officiers de la Couronne. Il a rappelé à peu près tous les proscrits et rouvert l’armée à ceux qui en avaient élevé si haut la gloire sous le drapeau national. Il n’y avait plus à compter « sur n’importe qui. » Il fallait quelqu’un qui voulût se dévouer en se rendant pour jamais illustre. Mme de Montholon se mit en chasse pour le trouver.

D’abord il fallait les autorisations nécessaires. Las Cases, qui, dès qu’il avait connu la situation (en septembre) s’était empressé de s’offrir pour retourner à Sainte-Hélène, avait été refusé, et lord Bathurst n’y avait mis aucun ménagement. « Je suis chargé de vous répondre, écrivait Goulburn à Las Cases le

  1. Il convient de remarquer que l’on ne saurait garder aucun doute sur l’impossibilité où se trouvait François Antommarchi de rédiger les Mémoires qu’on a publiés sous son nom, en 1825, et dont il a signé chaque exemplaire, il a pu fournir quelques notes à un des teinturiers aux gages de l’éditeur Barrois. On ne peut qu’être frappé de la forme du dialogue à l’Alexandre Dumas. Or, Dumas fait ses débuts officiels en 1826.