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contre moi, en disant qu’elle était bien la maîtresse de voir qui elle voulait. Elle est soutenue par mon oncle et Colonna…

» Même l’arrivée de l’abbé Buonavita n’a pas encore convaincu Madame et le cardinal. Enfin, c’est après une scène terrible entre nous que maman commence à être ébranlée, mais cette scène a été si vive que je me suis brouillée à ne revoir jamais le cardinal. C’est un grand bonheur que l’abbé ait eu une lettre à me remettre directement, sans cela, on m’aurait tout caché.

« L’on n’a pas bien traité l’abbé Buonavita, car maman lui a demandé si véritablement il avait vu l’Empereur ; le pauvre homme si affectionné a été bien peiné. Je le mène avec moi à Frascati, car on ne lui donnera pas un sou. »

Dès qu’elle eut lu la lettre de Montholon et qu’elle eut vu l’abbé, Pauline a pris son parti. Sans désemparer, elle écrit à lord Liverpool. Elle lui adresse les lettres qu’a apportées Buonavita, elle réclame que l’Empereur soit changé de climat. « Si la demande ci-jointe m’était refusée, ce serait pour lui une sentence de mort et je prie qu’il me soit permis de partir pour Sainte-Hélène afin d’aller rejoindre l’Empereur et recevoir son dernier soupir… L’état de ma santé ne me permettant pas de voyager par terre, mes intentions sont de m’embarquer à Civita Vecchia pour me rendre de là en Angleterre et y profiter du premier vaisseau qui fera voile pour Sainte-Hélène… Je sais que les momens de Napoléon sont comptés, et je me reprocherais éternellement de n’avoir pas employé tous les moyens qui pourraient être en mon pouvoir d’adoucir ses dernières heures et de lui prouver tout mon dévouement. »

Bien qu’elle eût passé quatre nuits à écrire et à copier des lettres « pour faire connaître la triste position de l’Empereur, » elle répond le 15 à la lettre du général Montholon. « Aussitôt, dit-elle, que le danger de l’Empereur m’a été connu, j’ai fait toutes les démarches possibles pour faire connaître son horrible position. J’ai même demande à le rejoindre à Sainte-Hélène, plutôt que de le savoir mourant sans personne de sa famille qui puisse recevoir son dernier soupir. Je n’ai consulté que mon cœur en faisant cette demande, car je suis loin d’être comme je le voudrais, mais j’espère que mes forces me soutiendront pour prouver à l’Empereur que personne ne l’aime autant que moi. »