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puissent subsister, où la vie signifie quelque chose de plus que les appétits. » Et ce que cette suprême décision révèle à Herrick, c’est donc la niaiserie du pacifisme, de l’internationalisme vague dont se targuent beaucoup de ses concitoyens comme d’une supériorité ; peu à peu se dévoilent à ses yeux étonnés la grandeur infinie du patriotisme et sa signification vitale. Tout est à retenir dans son analyse de ce sentiment patriotique inconnu, d’après lui, à l’Américain, et qu’un sec rationalisme méprise. C’est la religieuse ferveur de ce sentiment qui fait que « Viva l’Italia ! Vive la France ! est la prière la plus sincère, la plus pure que l’Italien, le Français puissent prononcer, » car elle est le jaillissement de toutes les forces de son passé, de sa race, et de son être, de tout l’idéal hérité qui le fait vivre, la suprême émotion de la vie de l’individu : « Là où cette émotion est instinctive, intense, c’est que le peuple a reçu en héritage une tradition précieuse qui brûle encore dans son sang. Et mieux vaut toute perte que cette malédiction : l’absence de toute foi suprême, de tout consentement au sacrifice, — que cet égoïsme sans nom dans lequel notre jeunesse américaine est élevée. »

Avec angoisse, Herrick constate cette lacune et se plaint qu’elle fasse de sa race une foule, non une nation : tout enfant d’Europe sait ce qu’ignore le jeune Américain « égoïste ne qui ne sait jamais s’oublier lui-même, subordonner ses ambitions personnelles à un devoir transcendant, » — qu’il est redevable d’une grande dette, qui est de servir son pays, ce grand tout qui lui a donné le meilleur de lui-même :


Ayant fait le sacrifice de leur vie pour la cause du patriotisme et de l’idéal national, les Français avaient trouvé leur véritable vie, plus vaste, plus belle, plus forte. Leurs tombes parsèment toutes les campagnes de l’Est de la France. Ils ont payé leur dette, rempli leur rôle, grand ou petit, ignorés ou glorifiés par les hommes. Ils ont donné leur sang pour la terre de leurs aïeux.

Ils ont donné à cette terre beaucoup plus que leur sang. Ils ont laissé en mourant à ceux qui survivent, à ceux qui sont encore à naître, un admirable héritage d’honneur et de noble responsabilité. En arrosant cette terre de leur sang, ils l’ont rendue infiniment plus précieuse à tous les êtres qui la foulent. Ils ont aidé à donner à la vie son sens, pour ceux qui restent et qui les pleurent. Ils n’ont pas laissé derrière eux la joie, mais la foi. Quelque chose de la gloire créée par