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Quant à l’étude du pasteur Preuss sur la Passion de l’Allemagne comparée, trait pour trait, à celle du Christ, je me bornerai à y signaler deux ou trois détails plus effarans encore, s’il se peut, que les autres. Ainsi le reniement de saint Pierre trouve son équivalent absolu, d’après le docteur Preuss, dans l’attitude d’un bon nombre d’écrivains et d’artistes des nations envahies ou des pays neutres qui, « afin de pouvoir se chauffer commodément au foyer de nos ennemis, renient tous les bienfaits spirituels dont ils sont redevables à notre Allemagne. » Le bon larron qui expie toute une vie de péché par son repentir à la dernière heure, c’est le prototype de ce peuple turc dont la noble conduite est en train de faire honte à la Chrétienté. » Mais le passage le plus incroyable de cet incroyable parallèle est celui qui traite des faux témoignages dans les deux « Passions. » On sait, en effet, que les Juifs ont été longtemps embarrassés par la contradiction trop évidente des témoignages apportés devant eux contre Jésus. Cette contradiction, au dire du pasteur Preuss, ne l’a-t-on pas retrouvée dans les accusations émises contre la conduite de l’Allemagne, au cours de la guerre ? Et l’impossibilité d’établir le moindre accord entre les divers élémens de la « campagne de mensonges » bassement organisée par les Alliés contre les troupes allemandes ne suffirait-elle pas à prouver combien celles-ci se sont toujours montrées exemptes de reproche, dignes vraiment de ce Christ dont elles reprenaient, après dix-neuf siècles, la mission rédemptrice et ordonnée d’En-Haut ?

Enfin je me bornerai à noter au passage un écrit plus récent du pasteur W. Herrmann, professeur de théologie à l’Université de Marbourg. Pendant les premiers mois de la guerre, les prédicateurs allemands avaient été unanimes à dénoncer, comme l’un des « péchés » les plus « diaboliques » des Alliés, la manière dont ceux-ci avaient opposé aux légions chrétiennes des deux empires germaniques des troupes d’Arabes, d’Indiens, ou de Japonais, appartenant à des nations expressément païennes ; et voilà que, soudain, l’Allemagne et l’Autriche ont accepté pour allié le Turc infidèle ! C’est pour justifier cette alliance imprévue que le professeur Herrmann a composé son écrit sur Les Turcs, les Anglais, et les Chrétiens allemands. Son objet principal est, naturellement, de prouver que l’Angleterre, à elle seule, dépasse en « paganisme » les plus ignorantes des peuplades africaines. Mais le savant professeur de Marbourg a tenu aussi à calmer les scrupules religieux de ses compatriotes en leur faisant « directement » l’éloge de leurs nouveaux alliés ; et je ne résiste pas au désir