Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 38.djvu/946

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

précieux recueil danois du professeur Bang est de nous présenter, à côté de ces théologiens « laïcisés » (ou, si l’on veut, « mobilisés »), d’autres pasteurs allemands qui ne perdent jamais de vue leur rôle « spirituel, » et ne cessent pas de donner à leurs sermons l’allure et la portée de discours foncièrement religieux. Ceux-là sont, en vérité, pour nous infiniment plus curieux à connaître de près que les autres, et non seulement parce que nous sentons que leur action sur le peuple qui les écoutait a été plus profonde, — comme celle d’authentiques interprètes de la parole divine, — mais aussi parce que- nous les découvrons imprégnés d’une commune doctrine, approuvée de toutes les autorités ecclésiastiques et civiles au point de constituer, en quelque sorte, le credo officiel de la nouvelle Allemagne. Chacun à sa manière, ces théologiens prêchent devant leur peuple le dogme, dorénavant immuable, du « Dieu Allemand. »

Dans un chapitre préliminaire de son livre, M. Bang nous expose brièvement les origines historiques de ce dogme. Il nous cite, en particulier, des paroles de deux hommes qui en ont été les initiateurs dès la seconde moitié du XIXe siècle : le philosophe Paul de Lagarde, qui demandait la création d’une religion « purement allemande, » et le poète Emmanuel Geibel qui proclamait expressément la mission divine de sa race, — s’écriant, par exemple, dans un distique que des milliers de plumes ont répété depuis le début de la guerre : « Il se peut que notre nature allemande soit appelée, une fois encore, à guérir le monde ! » Pareillement Geibel chantait, dès l’année 1859 : « Un jour arrivera où le Seigneur mettra fin à la honte de son peuple. De même que naguère, dans la plaine de Leipzig, il a marché devant nous au milieu d’une colonne de feu, de même encore il nous parlera parmi l’éclat du tonnerre. Et écoute bien quel sera le premier signe de sa collaboration avec toi, ô ma chère Allemagne : c’est lorsque l’Ouest et l’Est s’allieront contre toi. Alors on te verra trônant au-dessus des nations, tandis qu’à tes pieds brillera la flamme de l’incendie allumé pour le châtiment de tes ennemis ! »

Paul de Lagarde et Emmanuel Geibel ont été les grands « prophètes » du « Dieu Allemand. » C’est de leur doctrine que s’inspirent, notamment, les Prières de Guerre publiées par le Conseiller de Consistoire Dietrich Vorwerk dans un volume dont le titre : Hurrah und Hallelujah, a été repris par le professeur Bang pour servir de titre à l’ensemble de son recueil. On a lu déjà quelques versets du Pater « germanisé » par ce pieux poète. Mais comment ne pas citer encore ce passage d’une autre Prière :