Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 38.djvu/960

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Espagne, dans les grèves de Valladolid, dans les manifestes incendiaires; en Grèce, son pays d’élection; en Suède aussi, probablement, où elle essaie de rattiser le feu mourant de « l’activisme, » à la faveur du changement de ministère ; dans toute la Scandinavie ; chez tous les neutres, qu’elle s’efforce tour à tour, pour les paralyser, ou d’effrayer ou de séduire.

Faite à la dernière heure, et faite à l’allemande, accompagnée d’un nouvel attentat, la grimace libérale ne pouvait ni charmer, ni tromper les États-Unis, depuis deux mois « au bord de la guerre. » Dès le 2 avril, jour où s’est réuni le Congrès convoqué en session extraordinaire, le Président Wilson s’est présenté devant lui. Il y a été escorté, porté en quelque sorte par la foule qui l’acclamait frénétiquement. L’ovation l’a suivi jusque dans la salle des séances, comble à crouler et frémissante. Il a tenu, en prenant la parole, à définir sa position personnelle. Homme de droit, parlant et agissant au nom du droit, il a voulu paraître revêtu de la sérénité du droit. « Ma pensée, a-t-il dit, n’a pas été détournée de son cours habituel et normal par les malheureux événemens des deux derniers mois, et je ne crois pas que la pensée du pays ait été changée ou obscurcie par eux. J’ai exactement les mêmes idées maintenant que lorsque je m’adressai au Sénat le 23 janvier dernier, que lorsque je m’adressai au Congrès les 3 et 26 février. » C’est une décision pleinement libre, et ce n’est pas une décision ab irato. « Chaque nation doit décider pour elle-même de la façon dont elle se conduira. Notre choix devra être fait avec une modération réfléchie et la tranquillité de jugement qui conviennent à notre caractère et à nos intérêts nationaux. » Non point que M. Wilson ne se représente vivement toute la gravité de ce choix. Il la ressent, au contraire, jusqu’au tragique, et il le dit. « C’est un devoir triste et pénible... C’est une chose redoutable... » Il sait que les États-Unis n’ont peut-être jamais vécu une heure plus solennelle, et que jamais un président, depuis Washington et Lincoln, n’a eu à demander davantage à sa conscience. La longue tradition d’isolement de la République américaine, la coutume, érigée en dogme politique, de se désintéresser de ce qui ne touche que l’Europe, tout ce particularisme américain ne de l’Océan et protégé séculairement par ses abîmes, tant de raisons de s’abstenir s’étaient sans doute pressées dans son esprit. Mais ce ne sont pas là les seuls principes, et même ce ne sont pas vraiment les principes fondamentaux sur lesquels « les pères de la Constitution » ont voulu que la Confédération reposât. Le poing dont l’Allemagne a ébranlé les fondemens de toute société civilisée a