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Les menées du prince de Bülow et de M. Erzberger auprès des catholiques, en Suisse, viennent corroborer l’intrigue de M. Scheidemann, en Suède, auprès des socialistes. A défaut d’élémens positifs d’information sur la situation de l’Allemagne (encore que nous sachions qu’elle s’use, même militairement, et nous savons de combien de divisions dans les dernières batailles), cette hâte, cette fièvre, cet épuisement, sont des indications qui créent en nous la certitude morale. Pareillement, les incidens qui ont marqué la réunion du Reichsrath autrichien, après trois années de vacances, le discours du Trône prononcé par l’empereur Charles, les embarras politiques de la Hongrie où l’on ne trouve pas de successeur au comte Tisza, ne sont-ce pas là des symptômes ? L’haleine qui commence à manquer aux deux Empires, ce ne sont pas leurs satellites, ce n’est ni la Bulgarie essoufflée, ni la Turquie effondrée, qui la leur rendront. Ils les portaient pour ainsi dire à la force du poignet ; mais il n’est pas de poids plus lourd qu’un poids mort, et l’Allemagne, réduite à traîner l’Autriche-Hongrie, sera tôt ou tard réduite à se traîner.

Tout ce qu’elle peut faire, si elle le peut, c’est de maintenir péniblement, c’est de ne laisser tomber que lentement ses forces, c’est d’épargner sur son déclin. Il ne lui vient de secours, de renfort de nulle part, pas même de la révolution russe, qui n’est pour elle qu’un répit, qu’une halte, que le temps de s’éponger et de se retourner. Mais nous, il nous vient de partout du secours, du renfort, du rafraîchissement. Pendant que la Russie marque le pas, les États-Unis l’allongent, habitués qu’ils sont à marcher vite. Leurs navires de guerre et de transport sont sur nos côtes ; leurs premiers contingens se forment ; ils enrôlent en un jour plus de dix millions de soldats. S’il y avait, dans l’Entente, ce qui n’est pas dit, une défaillance du côté de l’Orient, elle serait compensée du côté de l’Occident, et c’est ce qui n’arrivera pas, mais c’est, au bout du compte, le pis qui puisse nous arriver ; en aucune hypothèse, nous ne courons aucun péril, nous ne courons d’autre risque que celui-là. Partout, au moins, les sympathies se déclarent, s’affirment, s’affermissent, s’enhardissent, grandissent de tout ce dont nous avons grandi dans l’estime et le respect universels, par le prestige de nos chefs, par la vaillance de nos soldats, par la bonne tenue de la nation. La bienveillance du Brésil se change progressivement en un sentiment plus actif, qui ne s’en tiendra pas, il est probable, au sentiment. Nous pouvons, aux cris de l’Allemagne, nous assurer que le coup lui est douloureux pour aujourd’hui et pour demain. Et c’est une preuve de plus de ses