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la bataille des Flandres, quelle que soit la variation de la « carte de guerre, » quelle que soit, sur le terrain, l’étendue de nos gains et de ses pertes, il n’y aura plus qu’un coup de lime à lui donner. Et la lime sera de belle taille et de bonne trempe, tenue par une main robuste. Elle sera, comme on dit à Paris, quand on y veut tout dire, « américaine ! »

Ainsi se présente, en son ensemble, dégagée de considérations incidentes ou accessoires qui n’y changeraient rien, la situation militaire, dans ce qu’elle a de favorable et ce qu’elle a de défavorable. Tâchons, en simplifiant de même, de montrer aussi clairement de quelle situation politique elle se double. Une des forces de l’Allemagne dans cette guerre a été de souder l’une à l’autre les deux tactiques, de joindre et de combiner ses deux offensives. Parlant de la crise allemande, nous en avons parlé sérieusement, comme si, sérieusement, il y avait eu crise en Allemagne. Nous avons cherché de notre mieux le sens du discours prononcé au Reichstag par le nouveau chancelier, comme si M. le docteur Michaëlis avait tenu à ce qu’il eût un sens, à ce qu’on lui en donnât un, et à ce que ce fût bien celui que l’on préférait y attacher. Mais l’opération peut se présenter sous un autre aspect. Il n’est pas interdit d’admettre, ou du moins on ne doit pas rejeter a priori, l’hypothèse d’une pure comédie, dans laquelle M. Scheidemann, M. Erzberger, M. Michaëlis lui-même, auraient joué chacun leur rôle, dont tous les groupes politiques se seraient faits plus ou moins les comparses, et qui aurait eu pour objet, en faisant croire à un désir de paix chez les Allemands, de surexciter les « maximalistes » russes, de semer des hésitations ou des dissentimens chez les Alliés, de rompre dans les différens pays l’union des âmes, et de brouiller entre elles, si c’était possible, les puissances de l’Entente, sournoisement induites à se méfier les unes des autres. Une chose, après coup, corrobore l’hypothèse qu’il y eut, dans la dernière crise, de la comédie : l’incident que vient de soulever, avec une inconscience rare même parmi ses compatriotes, M. le docteur Michaëlis.

Il n’avait pas dû être enchanté de ses débuts comme chancelier devant le Parlement de l’Empire, où il avait en effet trouvé le secret de décevoir ou de mécontenter tout le monde et de ne réaliser ni les espérances ni les craintes que sa nomination avait fait naître. Ce fonctionnaire bien noté, mais peu reluisant, que la fortune était allée soudain tirer du rang des gens « qui ne sont pas nés, » qui ne sont ni hoch, ni wohl, ni, à plus forte raison, hochwohlgeboren, et dont elle