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terminée; et évidemment les mers seront redevenues « libres et communes. » Distinguons bien les temps : nous serons alors après la guerre; pour le moment, nous sommes en guerre, et les mers, autre champ de bataille, sont, comme la terre, à qui peut les tenir. Après la guerre, nous parlerons de leur liberté et de leur communauté, et nous pourrons parler aussi de la liberté et de la communauté des grands fleuves internationaux. Pendant la guerre, nous n’avons à parler, et surtout à nous occuper, que du blocus des Empires du Centre. Nous n’allons pas rejeter le secours de la nature, ni abandonner le prix de nos efforts, ni nous lier un de nos bras. Peut-être est-ce ici qu’une analyse qui voudrait trop creuser s’imaginerait trouver la trace d’une sollicitation, d’une inspiration ou d’une suggestion germanique, la peur de voir s’abîmer, au lendemain d’une guerre folle et désastreuse, cet avenir qui était sur les mers. Devant l’Allemagne se dresse le spectre d’une paix qui serait une seconde guerre; et de ses deux mains, et de toutes les mains auxquelles elle se raccrocherait, si elle n’en était repoussée, elle bat l’air pour s’en délivrer.

Mais le lendemain de la guerre sera demain. Aujourd’hui, il n’y a encore que le présent et le passé ; ce qui est accompli, et ne peut plus ne pas l’avoir été ; il y a les ruines de la guerre, qui appellent les réparations. « Quant aux dommages à réparer et aux frais de la guerre, poursuit la Note, nous ne voyons d’autre moyen de résoudre la question qu’en posant comme principe général (la traduction du document portait une « contribution, » mais il faut lire condonazione), une « condonation, » une remise entière et réciproque... Et dimitte nobis... sicut et nos. Mais, si nous voyons clairement ce qu’on nous doit, nous ne voyons pas du tout ce que nous devrions : où sont les debita nostra ? Où les ruines que nous avons causées ? Où les villes, les cathédrales, les musées, les bibliothèques, les usines, les mines, les maisons, les champs, les jardins, les forêts qui attendent nos réparations ? Où les provinces allemandes martyres comme les provinces belges, victimes comme dix départemens français ? Nous donnerions et nous pardonnerions, soit, mais qu’est-ce qu’on nous « condonnerait ? » La seule attention qu’obtienne l’inégalité des positions pour l’envahisseur et pour l’envahi n’est marquée que dans cette incidente : « Si, pour certains cas, il existe, à l’encontre, des raisons particulières, qu’on les pèse avec justice et équité. » Ce serait rétrécir le débat sur les dommages de guerre à la mesure d’un procès sur des dégâts de voisinage ; et il ne serait ni « juste » ni « équitable » de vouloir nous faire porter, sans que nous ayons commis contre autrui